Dispositifs Médicaux « In-House » : Comprendre le Cadre Réglementaire et les Exigences de Conformité selon les Règlements Européens (UE) 2017/745 et 2017/746
10/04/2025

Les règlements européens (UE) 2017/745 (RDM) et (UE) 2017/746 (RDMDIV), relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro respectivement, ont introduit des exigences renforcées pour garantir la sécurité et la performance des dispositifs sur le marché européen. Parmi ces dispositions figurent les règles spécifiques aux dispositifs médicaux dits « in-house », fabriqués ou modifiés par des établissements de santé (entités qui contribuent à la prise en charge, aux soins délivrés aux patients et/ou à œuvrer en faveur de la santé publique) pour une utilisation interne. Ces dispositifs bénéficient d’un régime dérogatoire par rapport aux dispositifs industriels, assorti, néanmoins, de conditions strictes pour garantir leur qualité et leur sécurité.
Cet article explore les règles applicables, la documentation et les exigences de conformité ainsi que les spécificités de ces dispositifs.
1. Les dispositifs médicaux « in-house » : cadre réglementaire
Les dispositifs médicaux dits « in-house » se distinguent par leur nature particulière : ils sont fabriqués ou modifiés et utilisés exclusivement au sein d’un même établissement de santé. Ces dispositifs répondent à des besoins cliniques spécifiques pour lesquels aucun dispositif médical équivalent disponible sur le marché ne peut offrir un niveau de performance approprié. Par exemple, un laboratoire de recherche au sein d’un hôpital pourrait développer un dispositif de diagnostic in vitro spécialisé pour diagnostiquer une maladie rare pour laquelle aucun dispositif de diagnostic in vitro n’est disponible sur le marché pour réaliser ce diagnostic.
L’article 5(5) des RDM et RDMDIV établit une exception au principe général selon lequel les dispositifs médicaux doivent être marqués CE (Conformité européenne) avant leur mise en service. Il permet aux établissements de santé de fabriquer et d’utiliser ces dispositifs « in-house », quel que soit leur classification, sans marquage CE, à condition de respecter des exigences strictes. Toutefois, cette exception ne doit pas être utilisée comme une alternative pour contourner les processus de certification CE ou pour des raisons purement économiques.
Il convient de bien faire la distinction entre les dispositifs médicaux « in-house » et les dispositifs médicaux sur mesure. Ces derniers sont définis comme des dispositifs qui sont fabriqués expressément suivant la prescription écrite de toute personne habilitée par la législation nationale en vertu de ses qualifications professionnelles, indiquant, sous sa responsabilité, les caractéristiques de conception spécifiques, et destiné à n’être utilisé que pour un patient déterminé et exclusivement en réponse aux besoins et à l’état de santé de ce patient. Contrairement aux dispositifs « in-house », les dispositifs sur mesure sont destinés à un usage exclusif pour ce patient, tout en restant conformes à un cadre réglementaire distinct et hors champ d’application de l’article 5(5) des règlements.
2. Les exemptions prévues par l’article 5(5)
Pour bénéficier du régime dérogatoire prévu par l’article 5(5), les dispositifs médicaux « in-house » doivent respecter plusieurs conditions cumulatives :
a) Fabrication et utilisation interne : Les dispositifs médicaux doivent être fabriqués et utilisés exclusivement au sein du même établissement de santé. Ils ne peuvent être transférés ou distribués à d’autres entités juridiques, y compris à d’autres établissements de santé.
Un établissement de santé est défini comme une organisation dont l’objectif principal est de soigner ou de traiter des patients, ou de promouvoir la santé publique. Cela inclut les hôpitaux ainsi que d’autres institutions, telles que les laboratoires et les instituts de santé publique, qui soutiennent le système de soins de santé et/ou répondent aux besoins des patients, même si elles ne soignent ni ne traitent directement des patients.
Ce concept exclut toutefois les établissements qui se consacrent principalement à des activités liées à la santé ou aux modes de vie sains, comme les gymnases, les spas, les centres de bien-être ou de remise en forme. La reconnaissance d’une organisation en tant qu’établissement de santé peut également dépendre de la législation nationale, ce qui signifie que cette définition peut varier d’un État membre à l’autre.
b) Absence de dispositif médical équivalent disponible sur le marché : L’établissement de santé doit démontrer qu’aucun dispositif médical équivalent, répondant aux mêmes besoins cliniques, n’est disponible sur le marché.
c) Absence de production industrielle : Les dispositifs médicaux « in-house » ne doivent pas être fabriqués à grande échelle ou dans un but commercial.
d) Respect des exigences générales de sécurité et de performance : Bien que les dispositifs médicaux « in-house » soient exemptés du marquage CE, ils doivent néanmoins respecter les exigences générales de sécurité et de performance (EGSP/GSPR) définies dans l’Annexe I des règlements RDM et RDMDIV. Ces exigences couvrent des aspects tels que la conception, la fabrication, les matériaux utilisés, les risques associés, la performance clinique ou encore l’identification.
e) Documentation et notification aux autorités compétentes : Les établissements de santé doivent disposer d’une documentation complète justifiant l’absence d’alternatives équivalentes et démontrant que le dispositif médical répond à des besoins cliniques spécifiques. Cette documentation, qui inclut des informations sur la fabrication, la modification et l’utilisation des dispositifs « in-house », doit être accessible aux autorités compétentes, qui peuvent en demander l’examen ou effectuer des inspections pour en vérifier la conformité. Il convient de noter que, contrairement aux dispositifs médicaux commercialisés, les établissements de santé ne sont pas tenus d’enregistrer les dispositifs « in-house » dans la base de données européenne EUDAMED (European Database on Medical Devices).
Si l’une des conditions ci-dessus n’est pas respectée ou si les EGSP/GSPR ne peuvent pas être satisfaites, le dispositif médical ne peut pas bénéficier des dispositions de l’article 5(5), auquel cas cette voie réglementaire devient inapplicable. Dans ce cas, plusieurs alternatives sont envisageables afin de pouvoir mettre à disposition ou utiliser un dispositif médical ou dispositif médical de diagnostic in vitro :
- Obtenir un marquage CE, attestant de la conformité du dispositif aux réglementations européennes.
- Envisager une utilisation dans le cadre d’investigations cliniques (pour les dispositifs médicaux) ou d’études de performance (pour les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro).
- Utiliser les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro uniquement à des fins de recherche, sans objectif médical direct.

3. Mise en œuvre pratique de l’article 5(5)
Pour garantir la conformité réglementaire et la sécurité des dispositifs médicaux « in-house », les établissements de santé doivent adopter une approche rigoureuse, incluant :
a) La mise en place d’un système de management de la qualité (SMQ) : La mise en place d’un SMQ est essentielle pour garantir que les dispositifs médicaux « in-house » respectent des normes appropriées et les exigences réglementaires dont la conformité aux EGSP/GSPR définies à l’Annexe I des règlements. Ce SMQ doit couvrir toutes les étapes du cycle de vie des dispositifs, depuis leur conception jusqu’à leur utilisation, en passant par leur fabrication et leur surveillance clinique. Les normes ISO, telles que l’EN ISO 13485, ainsi que les dispositions de l’article 10(9) du RDM ou de l’article 10(8) du RDMDIV et les guides MDCG (pour Medical Device Coordination Group en anglais), peuvent être utilisées comme références pour structurer ce système.
b) La documentation détaillée et la transparence : La documentation doit être complète et accessible aux autorités compétentes. Elle doit inclure toutes les informations nécessaires pour démontrer la conformité aux EGSP/GSPR, notamment :
- Une justification claire de leur fabrication, modification et utilisation.
- Des informations précises sur les installations de fabrication et les procédés utilisés ainsi que sur la conception et les caractéristiques techniques et de performances.
- Une description des besoins cliniques spécifiques auxquels ces dispositifs répondent.
- Des preuves de l’absence de dispositifs médicaux équivalents disponibles sur le marché. L’établissement de santé doit avoir une parfaite connaissance du marché et avoir la capacité de le démontrer, pour s’assurer qu’aucun dispositif médical même sur mesure n’est disponible et susceptible de répondre à son besoin. Cela implique que l’établissement de santé a la capacité d’effectuer une veille scientifique et règlementaire
c) La création d’une déclaration publique : L’établissement doit rédiger une déclaration rendue publique, qui doit inclure :
- Le nom et l’adresse de l’établissement de santé.
- Les détails nécessaires pour identifier les dispositifs (le nom du produit, le code ou la référence du produit, la description ou toute autre référence non ambiguë permettant d’identifier le dispositif, l’utilisation prévue)
- Une affirmation de leur conformité aux EGSP/GSPR. Si certaines exigences ne sont pas respectées, une justification motivée doit être fournie.
Les établissements de santé doivent consulter la législation, les règles ou les orientations nationales éventuelles concernant le format exact de la déclaration, les exigences linguistiques et les conditions de publication qui doivent être remplies (par exemple, publication sur le site web de l’établissement de santé et/ou sur une page web dédiée de l’autorité compétente). Un modèle de déclaration publique est exposé en Annexe A du guide MDCG 2023-1.
d) Fabrication conforme et mesures correctives : L’établissement de santé doit garantir que les dispositifs médicaux « in-house » sont fabriqués en stricte conformité avec la documentation établie, en s’appuyant sur l’implication active de la direction et une gestion des ressources.
- En cas de non-conformité ou de détection de risques, des mesures correctives doivent être immédiatement mises en œuvre. À cette fin, l’établissement peut adopter les actions suivantes :
- Mettre en place un plan d’amélioration continue visant à réduire les risques liés à l’utilisation des dispositifs.
- Instaurer un système de traçabilité complet pour les dispositifs médicaux « in-house », incluant leur étiquetage et leur identification, afin de garantir une gestion efficace des produits et des patients concernés ainsi que des dispositifs disponibles sur le marché.
e) Système de surveillance clinique : Un système de surveillance de l’expérience clinique structuré, continu et systématique doit être instauré pour recueillir des données sur l’utilisation des dispositifs médicaux « in-house ». Ces données permettent de :
- Identifier d’éventuels incidents ou problèmes liés à leur utilisation.
- Mettre en œuvre des mesures correctives pour améliorer leur sécurité et leur performance, si nécessaire.
- Effectuer une mise à jour régulière des données de gestion des risques et des performances cliniques.
4. Spécificités des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro
Les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro « in-house » sont soumis à des exigences supplémentaires, notamment le respect de la norme EN ISO 15189 Laboratoires médicaux — Exigences concernant la qualité et la compétence ou, le cas échéant, de dispositions nationales en matière d’accréditation. Cette norme destinée aux laboratoires de biologie médicale, définit un cadre rigoureux pour assurer des résultats fiables, précis et reproductibles, tout en répondant aux besoins des patients et des professionnels de santé.
De plus, les dispositions relatives à la documentation permettant de comprendre les installations de fabrication, les procédés de fabrication, la conception et les données sur les performances des dispositifs, sont obligatoires pour les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro de classe D. Les États membres peuvent décider d’appliquer la présente disposition également aux dispositifs relevant des classes A, B ou C, conformément aux règles établies à l’annexe VIII du RDMDIV.
Contrairement à l’article 5(5) du RDM qui est applicable depuis le 26 mai 2021, l’article 5(5) du RDMDIV bénéficie d’une période de transition avec une application de toutes les dispositions de l’article 5(5) du RDMDIV à partir du 26 mai 2028 :

5. DM / DMDIV « in-house » : ce qu’il faut retenir
Les dispositifs médicaux « in-house » constituent une solution précieuse pour les établissements de santé, leur permettant de répondre à des besoins cliniques non couverts par les traitements ou dispositifs existants. Cette flexibilité est rendue possible grâce à l’article 5(5) des règlements (UE) 2017/745 (RDM) et (UE) 2017/746 (RDMDIV). Ces dispositions autorisent les établissements à fabriquer, modifier et utiliser ces dispositifs sans être soumis aux exigences du marquage CE, à condition de respecter un cadre réglementaire strict.
Dans le cas où ce cadre ne pourrait être respecté, les établissements de santé doivent alors se conformer aux exigences relatives au marquage CE des RDM et RDMDIV, procéder à des investigations cliniques ou des études de performance, ou encore limiter l’utilisation des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro à un cadre de recherche.
Toutefois, cette flexibilité s’accompagne de responsabilités accrues pour les établissements, notamment en matière de documentation, de gestion de la qualité, de traçabilité et de supervision par les autorités compétentes. Ces règlements illustrent l’engagement de l’Union Européenne à garantir la sécurité et la performance des dispositifs médicaux tout en reconnaissant les besoins uniques des établissements de santé et des patients. À mesure que la réglementation évolue, il est essentiel pour les établissements de santé de se tenir informés des exigences et de mettre en place des systèmes robustes pour assurer la conformité et la sécurité des dispositifs médicaux « in-house ».
Besoin d’aide ?
Pour accompagner les établissements dans cette démarche, nos experts proposent des prestations adaptées, incluant :
- La formation aux exigences imposées par le règlement (UE) 2017/745 et règlement (UE) 2017/746 dans le cadre des dispositifs « in house »
- La mise en place d’un système de management de la qualité.
- La rédaction des documents de conformité pour répondre à l’annexe I des règlements.
- La rédaction de la déclaration publique.
- La communication avec les autorités compétentes.
- La surveillance clinique et la gestion des actions correctives.
- L’assistance hotline pour répondre à vos questions et vous accompagner sur des sujets spécifiques
Pour toute assistance ou pour en savoir plus sur nos services, contactez-nous à l’adresse suivante : TechnicalDivision@efor-group.com
Le groupe
Nos engagements RSE
Conscients de notre responsabilité sociale et environnementale, nous agissons chaque jour pour faire avancer la société.
Nos actualités
Suivez toutes nos infos santé