Article technique

Evaluation de la biocompatibilité des DMs (ISO/TR 10993-55:2023)

20/06/2023

L’évaluation de la biocompatibilité des dispositifs médicaux est d’une importance majeure puisqu’elle permet de garantir la sécurité biologique des produits vis-à-vis du patient et/ou de l’utilisateur. Elle est principalement régie selon les normes de la série ISO 10993 « Évaluation biologique des dispositifs médicaux ».

La norme ISO 10993-1 présente les paramètres biologiques considérés comme pertinents pour l’examen de chaque catégorie de dispositif médical. L’évaluation de la cytotoxicité est préconisée pour tout type de dispositif médical (Classe I à Classe III), et pour tout type de contact avec le patient et/ou l’utilisateur.

L’ISO 10993-5 expose les méthodes d’essai de cytotoxicité sur modèle in vitro. Ces tests sont conduits sur cultures de lignées cellulaires de mammifères, afin d’identifier si un dispositif médical présente un potentiel cytotoxique ou non.

Du point de vue éthique animale, le test de cytotoxicité conduit in vitro permet une première estimation de la toxicité d’un dispositif médical en conformité avec les exigences de l’ISO 10993-2 (Evaluation biologique des dispositifs médicaux – Partie 2 : Exigences relatives à la protection des animaux). Il s’inscrit donc parfaitement dans la stratégie des 3R (Replace, Reduce, Refine) visant à remplacer et réduire les expériences sur les animaux chaque fois que cela est possible.

Pour permettre d’adapter librement la conception des essais de cytotoxicité in vitro au scénario d’application clinique et au type de dispositif médical, les spécifications des essais à réaliser sont peu définies dans la norme ISO 10993-5. En effet, depuis la première édition de la norme en 1992, l’ISO 10993-5 ne donne que peu de précision quant à la manière de procéder en fonction du dispositif médical, ainsi que pour l’interprétation des résultats. Cela a pour effet de couvrir la diversité des dispositifs médicaux mais également d’entraîner une certaine variabilité dans les résultats et un potentiel manque de fiabilité.

Variabilité interlaboratoire selon l’ISO/TR 10993-55

L’ISO/TR 10993-55 “Etude interlaboratoire sur la cytotoxicité”, parue en février 2023, décrit les résultats d’une étude internationale conduite par douze laboratoires en 2006. L’objectif de cette étude était d’évaluer les performances de deux protocoles permettant l’évaluation de la cytotoxicité des dispositifs médicaux : le NRU (essai d’absorption du rouge neutre) et le CFA (essai de formation de colonies).

Malgré des variations dans les résultats obtenus entre les différents laboratoires, les résultats de cette étude ont permis de valider ces deux protocoles, et donc leur intégration dans la version 2009 de la norme ISO 10993-5.

La valeur seuil de réduction de la viabilité cellulaire de 30%, introduite dans la version 2009 de l’ISO 10993-5, a également été déterminée grâce à cette étude. Un matériau de référence (matériau C : feuille de polyéthylène haute densité), reconnu pour sa non-cytotoxicité, a été extrait, et une gamme de dilution a été testée (0, 25, 50, 75 et 100%). Après incubation avec les cellules, le potentiel cytotoxique des échantillons a été évalué selon l’essai de formation de colonies. Cette même procédure a été réalisée par dix laboratoires participant à l’étude. Le matériel s’est révélé non-cytotoxique pour tous les laboratoires.

Pour un des laboratoires, les résultats ont montré un écart de viabilité cellulaire (plating efficiency = PE) proche de 30% entre la concentration 0% (PE = 77.8%) et la concentration 100% (PE = 100%). Le matériau testé n’étant pas cytotoxique, les résultats auraient dû théoriquement être identiques pour toute la gamme de concentration testée. Cette variation a donc permis de mettre en évidence une certaine incertitude inhérente au test en lui-même et non au matériau testé.

Une valeur seuil a ainsi été introduite dans la norme ISO 10993-5 de 2009 : seule une réduction de la valeur de la mesure de plus de 30 % est considérée comme un effet cytotoxique. Une réduction inférieure à 30% est donc considérée comme provenant de l’incertitude de la méthode.

Cette étude interlaboratoire, incluant une évaluation des échantillons avec la méthode du rouge neutre, a également permis de mettre en évidence des variations dans les résultats obtenus entre différents laboratoires appliquant le même protocole de test. Ces variations ont été démontrées comme étant dépendantes du grade de cytotoxicité des matières testées. Par exemple, le matériau de référence B (film de polyuréthane contenant 0.25% de dibutyldithiocarbamate de zinc, matériau cytotoxique) a montré une variation plus importante des résultats entre les différents laboratoires participants que le matériau de référence A (film de polyuréthane segmenté contenant 0.1% de dibutyldithiocarbamate de zinc, matériau cytotoxique), comme indiqué par les résultats présentés ci-dessous. L’IC50 (%)correspond à la concentration de l’extrait induisant une réduction de la viabilité cellulaire de 50%.

IC50 moyennes (%)
Protocole appliquéMatériau de référence AMatériau de référence B
Essai d’absorption du rouge neutre17.0 ± 5.559.9 ± 24.4
Essai de formation de colonies0.87 ± 0.4252.2 ± 16.5
Valeurs moyennes d’IC50 obtenues par les laboratoires participants, sur les matériaux de référence A et B, et selon les deux protocoles testés

Ainsi, pour tous les participants, les matériaux de référence A et B étaient significativement cytotoxiques. Cependant, cet effet cytotoxique était plus faible pour le matériau de référence B : les valeurs d’IC50 obtenues pour le matériau de référence A sont plus faibles que celles du matériau de référence B. Les résultats obtenus pour le matériau de référence B, moins cytotoxique, montrent une variabilité interlaboratoire bien plus importante.

Cette étude montre que les laboratoires qui ont participé à cette étude ont bien identifié les différents matériaux de référence et cela de manière homogène compte tenu de la variabilité inhérente aux tests. Cependant, on observe une variabilité des résultats en fonction du matériau testé, qui pourrait entraîner dans certains cas limites l’obtention de résultats faussement négatifs ou positifs.

Variabilité entre les différentes conditions d’extraction/d’incubation

Une autre étude interlaboratoire a été publiée en 2023 par Angela Nickel et Sarah Gruber de l’institut Johner en Allemagne. Cette étude a été conduite en se basant sur les résultats de 52 laboratoires à qui les mêmes échantillons ont été envoyés. Pour cette étude, le choix de la méthode de test a été laissé libre dans le but d’évaluer la latitude donnée par la norme ISO 10993-5 aux laboratoires. Cela a également permis d’identifier les paramètres les plus susceptibles de faire varier les résultats d’un essai de cytotoxicité.

Une des informations principales de cette étude est que seulement 58% des laboratoires ayant participé ont été capables d’identifier correctement le potentiel cytotoxique de tous les matériaux testés. Cela démontre bien que le choix de la méthode et des paramètres de test en fonction des matériaux testés sont des éléments essentiels à l’obtention de résultats cohérents.

Les résultats indiquent également que deux paramètres sont particulièrement critiques dans la réalisation des tests de cytotoxicité : le pourcentage de sérum supplémenté au milieu de culture ainsi que la durée de contact entre les cellules et l’extrait testé (appelée durée d’incubation) :

  • Le sérum est un élément essentiel à la culture des cellules. C’est un dérivé du sang riche en facteurs de croissance. Généralement, la supplémentation du milieu de culture en sérum varie entre 0 et 20% et doit être adaptée en fonction du type cellulaire et des conditions de culture.

L’étude de Nickel & Gruberdémontre que seulement 16% des tests réalisés avec une supplémentation de 10% (pourcentage fréquemment utilisé en culture cellulaire) en sérum de veau fœtal (SVF) ont conduit à une mauvaise identification de l’échantillon cytotoxique. En revanche, tous les tests réalisés avec une concentration différente ou inconnue ont échoué.

  • Indépendamment des autres paramètres et du type de test, les résultats montrent que des durées d’incubation plus importantes entraînent une sensibilité plus importante des tests. La norme recommande une durée minimale de 24 heures, cependant, seulement 44% des laboratoires ayant appliqué cette durée ont pu identifier l’échantillon cytotoxique. En revanche, des durées d’incubation plus longues ont clairement permis une meilleure identification du potentiel cytotoxique des matériaux. 

Notre intervention

Pour limiter au maximum cette variabilité, il est indispensable pour le laboratoire d’appliquer des mesures de contrôle de la qualité, telles que l’étalonnage régulier de l’équipement, l’utilisation de protocoles normalisés et la validation périodique des résultats des tests.

Ainsi, de nombreux facteurs pourraient être à l’origine de la variabilité décrite précédemment :

  • L’environnement de la culture cellulaire (température d’incubation, humidité, pourcentage de CO2),
  • La qualité des milieux de culture,
  • La qualité des lots de sérum utilisés,
  • La variabilité inter-opérateur.

Afin de limiter la variabilité, il est donc fortement conseillé :

  • D’identifier les spécificités du dispositif médical étudié pouvant influer sur les résultats d’un essai de cytotoxicité,
  • De définir précisément les conditions de l’essai avant le démarrage de l’essai. Les laboratoires proposent des protocoles standards, qui peuvent être adaptés et personnalisés au type de dispositif médical et aux risques associés.

Grâce à une équipe d’experts en biocompatibilité et experts toxicologues, le groupe Efor apporte son expertise dans la validation de la biocompatibilité des dispositifs médicaux selon la norme ISO 10993. Nous apportons notre support dans le projet d’évaluation biologique du dispositif médical dans son intégralité, de la définition de la stratégie, à l’analyse des tests biologiques et chimiques.

Nous vous accompagnons dans la conception des protocoles d’essai de cytotoxicité, en lien avec les laboratoires et selon les spécificités du dispositif médical concerné. Par exemple, les particules générées par des implants revêtus, ou les plastifiants utilisés dans le PVC sont à prendre en compte lors du lancement d’un essai de cytotoxicité. Nos experts vous conseillent dans la sélection des laboratoires d’essais. Notre équipe est également formée à la sélection des échantillons de test, au suivi des essais et à la gestion des éventuelles non-conformités liées aux essais de cytotoxicité, nécessitant souvent une analyse détaillée afin d’en identifier l’origine.

Les équipes de la direction technique sont à votre disposition pour vos projets, et joignables directement sur onedt@efor-group.fr.