Exploiter le potentiel de la génomique comparative dans la recherche bactérienne
3/07/2025

Le monde microbien présente une diversité extraordinaire, regroupant des organismes issus des trois domaines du vivant : les bactéries, les archées et certains eucaryotes tels que les levures, les champignons ou encore les microalgues (les virus, bien qu’extrêmement variés, jouent également un rôle capital dans les écosystèmes microbiens). Cette diversité remarquable ouvre un large éventail d’opportunités pour étudier les populations microbiennes, mieux comprendre les mécanismes évolutifs et relever des défis cruciaux comme la résistance antimicrobienne.
Les récentes avancées technologiques en matière de séquençage génomique permettent désormais de tirer pleinement parti de cette richesse. En effet, la baisse spectaculaire des coûts de séquençage au cours de la dernière décennie a rendu le séquençage génomique complet (Whole Genome Sequencing – WGS) beaucoup plus accessible, favorisant ainsi l’expansion rapide de bases de données comme la Genome Taxonomy Database (GTDB). À titre d’exemple, le nombre de génomes bactériens et archéens référencés dans la GTDB est passé de 402 709 en avril 2023 à 732 475 en avril 2025, illustrant cette explosion des données génomiques disponibles.
Ce flot de données a catalysé le développement d’outils innovants permettant de comparer des souches bactériennes, de révéler des traits évolutifs et d’analyser des populations microbiennes avec une précision jamais atteinte auparavant. Ces avancées transforment les études épidémiologiques, la recherche scientifique et les évaluations réglementaires en fournissant des informations précieuses sur la diversité génétique, les adaptations fonctionnelles et les mécanismes de résistance aux antibiotiques.
Les outils de génomique comparative se sont imposés comme des méthodologies clés, aidant scientifiques, chercheurs et industries à adresser des enjeux majeurs en santé, biotechnologie, pharmaceutique et agroalimentaire. Mais comment sont-ils adaptés à des objectifs spécifiques, et quels bénéfices concrets apportent-ils ?
Cet article passe en revue les principales étapes et méthodologies de la génomique comparative bactérienne – du séquençage de l’ADN à l’assemblage des génomes, en intégrant des analyses avancées des gènes de résistance et des variations génétiques. L’objectif est d’expliquer comment la génomique comparative stimule l’innovation tout en apportant des solutions aux défis complexes actuels, tels que la résistance aux antibiotiques.
1. La génomique comparative bactérienne : outils et techniques
Grâce à un large éventail d’outils adaptés, la génomique comparative permet d’explorer les génomes bactériens dans des contextes variés (par exemple : épidémiologie, recherche clinique) tout en répondant à des objectifs spécifiques. Ces outils se prêtent à diverses analyses, comme l’étude d’une région génomique précise ou la comparaison de plusieurs génomes pour détecter des variations et des relations évolutives.
1.1 Les premières étapes de la génomique bactérienne
L’exploration d’un génome bactérien débute par l’extraction de l’ADN à partir d’une culture pure, suivie de la construction de bibliothèques de séquençage. Cette phase repose sur trois étapes principales :
- Amplification de l’ADN : La réaction de polymérase en chaîne (PCR) permet d’obtenir un signal quantifiable.
- Hybridation des fragments d’ADN : Ceux-ci sont fixés sur une flowcell adapté au séquençage.
- Indexation des échantillons : Le barcoding est appliqué pour identifier l’origine des échantillons, permettant ainsi le séquençage simultané de plusieurs prélèvements.
Le séquençage révèle la séquence des nucléotides (courtes séquences souvent appelées reads, i.e. ATCG). Cette étape génère des millions de reads constituant le génome bactérien. Ces données sont ensuite soumises à un contrôle qualité : seules les lectures de bonne qualité sont conservées pour limiter les erreurs techniques.

Une fois les données brutes obtenues et nettoyées, l’étape de l’assemblage du génome devient cruciale. Cela consiste à réorganiser ces fragments pour reconstruire une séquence lisible, à l’image d’un puzzle dont le motif final est inconnu.
Il existe deux principales méthodes d’assemblage :
- Assemblage de Novo : L’assemblage repose sur les reads disponibles, sans dépendre d’un génome de référence. Des algorithmes bioinformatiques comme les graphes de Bruijn segmentent les reads en unités plus petites (k-mers) qui sont progressivement assemblées en contigs, formant des séquences cohérentes.
- Alignement sur une référence : Ici, les reads sont alignés avec un génome de référence connu et proche de l’espèce cible. L’efficacité de l’alignement est définie par :
- La profondeur : Nombre moyen de recouvrements des reads.
- La couverture : Pourcentage du génome cible couvert par ces reads.
Après l’assemblage, l’étape d’annotation génomique associe une fonction biologique aux composantes du génome (ex. : identifications des séquences codantes, ARN ribosomal ARNr, ARN de transfert ARNt).

1.2 Exploiter les données de génomique comparative
Une fois un génome assemblé, plusieurs types d’analyses deviennent possibles grâce à la génomique comparative :
I. Caractérisation des variations nucléotidiques entre souches
Les différences génétiques entre souches sont étudiées à travers :
- Des scores de similarité, telle que l’Identité Moyenne des Nucléotides (ou ANI, Average Nucleotide Identity) ;
- La détection de polymorphismes nucléotidiques simples (ou SNPs, Single Nucleotide Polymorphisms) ;
- Le typage moléculaire permettant une classification plus fine et fonctionnelle des souches.
II. Analyse phylogénétique
La phylogénie permet de visualiser la diversité biologique et d’explorer les origines des espèces. En alignant les données génomiques, les chercheurs identifient des traits spécifiques et étudient leur évolution.
III. Détection de traits génomiques spécifiques
Grâce à divers outils spécialisés, il est possible d’identifier :
- Les gènes fonctionnels,
- Les protéines orthologues,
- Les métabolites secondaires,
- Des gènes impliqués dans la résistance, la virulence ou les insertions.

1.3 Exemple d’application : Comparaison des gènes de résistance aux antibiotiques
La résistance aux antibiotiques est un phénomène naturel résultant de mutations dans les gènes bactériens. Cependant, l’utilisation excessive et inappropriée de ces médicaments a accéléré l’émergence et la propagation de bactéries résistantes.
En Europe, la surveillance de la résistance aux antibiotiques est obligatoire pour les souches bactériennes d’origine humaine et animale. Des études récentes menées par le Centre Européen de Prévention et de Contrôle des Maladies (ECDC) et l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) montrent que la résistance antimicrobienne chez Salmonella et Campylobacter reste fréquente chez l’homme et les animaux (ECDC, EFSA).
Le séquençage génomique complet (WGS) a transformé ce domaine en donnant aux chercheurs les moyens d’analyser la présence de gènes de résistance dans les isolats bactériens. Deux principales approches sont généralement utilisées en fonction du type de données de séquençage, des ressources informatiques disponibles et des objectifs de l’étude :

La précision dans l’identification des gènes de résistance dépend largement de la qualité et de l’étendue des bases de données utilisées. On distingue généralement trois catégories :
- Bases de données générales : Elles couvrent un large éventail de mécanismes de résistance antimicrobienne.
- Bases de données spécialisées : Elles ciblent des micro-organismes ou des types de résistance spécifiques, comme des enzymes ou des variantes précises.
- Bases de données pour les nouvelles variantes : Ces bases permettent d’identifier des variantes inédites de résistance en détectant des similitudes fonctionnelles, même dans des séquences ayant une faible identité.
Ces bases de données évoluent constamment et s’enrichissent, en particulier pour les échantillons largement étudiés, comme ceux provenant du microbiote intestinal humain.
1.4 Analyse des variantes bactériennes
L’analyse des variantes génomiques consiste à identifier les différences entre des séquences génomiques étroitement apparentées. Elle s’avère particulièrement utile pour comparer des séquences d’ADN au sein d’une même espèce bactérienne.
Les variantes incluent deux types principaux :
- SNPs (polymorphismes nucléotidiques simples) : Il s’agit de la variation d’une base génomique entre une séquence et la séquence de référence d’une espèce donnée.
- Indels (INsertions et DELétions) : Ce sont des ajouts ou suppressions de quelques paires de bases qui peuvent entraîner des changements ponctuels dans la séquence peptidique ou provoquer un décalage du cadre de lecture (open reading frame), conduisant à des modifications protéiques significatives.

Le schéma ci-dessous illustre les étapes clés d’un pipeline d’identification des SNPs :

Dans le processus d’identification des variants, l’évaluation des SNPs est une étape cruciale. Le nombre de lectures soutenant la variation doit être élevé, tout comme la qualité de l’alignement. De plus, les conséquences fonctionnelles d’un SNP (impact sur la protéine codée, par exemple) peuvent être explorées grâce à des outils spécialisés.
2. Autres applications
La génomique comparative bactérienne ouvre également la voie à des applications dans divers domaines, notamment la recherche clinique et l’analyse des espèces.
En recherche clinique, les outils d’apprentissage automatique permettent de construire des modèles prédictifs pour anticiper la résistance aux antibiotiques à partir de données génomiques. (Consultez notre article sur l’apprentissage automatique appliqué aux données OMICs ici).
L’analyse des espèces peut également être réalisée à travers l’étude de leur pangenome, qui englobe l’ensemble des familles de gènes. Le pangenome se compose de deux catégories :
- Le génome central, partagé par tous les individus d’une espèce.
- Les gènes accessoires, qui confèrent des fonctions supplémentaires et des avantages sélectifs (adaptation écologique, mécanismes de virulence, résistance aux antibiotiques, colonisation d’un nouvel hôte, etc.).
Les études sur le pangenome permettent de mieux comprendre la diversité génétique d’une espèce, de retracer sa dynamique évolutive et d’éclairer les avantages sélectifs ainsi que les traits adaptatifs.
3. Conclusion
La génomique comparative constitue un levier puissant pour explorer la complexité des espèces microbiennes. Elle offre des perspectives riches sur la diversité génétique, les dynamiques évolutives et d’importantes applications pratiques telles que la surveillance de la résistance aux antibiotiques.
Qu’il s’agisse d’identifier des variantes génomiques clés ou d’accélérer les avancées grâce à des modèles prédictifs basés sur l’apprentissage automatique, cette discipline s’avère indispensable dans les domaines de la recherche, de la santé, de l’agriculture et de la biotechnologie.
Avec les progrès continus des technologies de séquençage et l’expansion rapide des bases de données spécialisées, les opportunités de découvertes innovantes et de solutions ciblées ne cessent de croître.
Besoin d’aide ?
Nos experts en génomique comparative sont à votre disposition pour fournir les services suivants :
- Caractérisation des génomes et recherche de gènes spécifiques (taxonomie, MLST, ABR, virulence, SNP, etc.).
- Comparaison entre souches bactériennes : identification des orthologues et construction de phylogénies.
- Développement de pipelines bioinformatiques robustes et de plateformes de visualisation dédiées à la comparaison génomique.
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