Importance et conception des études SCAC (PMCF study) pour les dispositifs médicaux en Europe : cadre et principes
7/08/2024
Le règlement européen (UE) 2017/745 sur les dispositifs médicaux (MDR), entré en vigueur le 26 mai 2021, a considérablement renforcé les exigences réglementaires pour l’industrie des dispositifs médicaux dans l’Union Européenne. Pour continuer à apposer le marquage CE sur leurs dispositifs, les fabricants doivent plus que jamais s’engager dans une évaluation continue après la mise sur le marché, incluant génération proactive de données et preuves cliniques. Cette activité rentre dans le processus global de la surveillance après commercialisation (SAC, ou Post-Market Surveillance, PMS) dans lequel s’intègre le suivi clinique après commercialisation (SCAC, ou Post-Market Clinical Follow-up, PMCF), l’ensemble adoptant une approche basée sur le cycle de vie du dispositif.
Si cela fait maintenant quelques années que les textes règlementaires et les guides supports sont sortis, force est de constater que nombre de fabricants se posent encore des questions sur les enjeux du SCAC. Nous proposons ici dans un premier article d’une suite sur cette thématique, une synthèse sur la nature du SCAC avec un prisme particulier sur la place d’une étude SCAC comme levier de génération de données cliniques répondant aux exigences règlementaires.
Qu’est-ce que le SCAC ?
Selon les directives du Medical Device Coordination Group (MDCG) 2020-7, le SCAC est un processus continu qui actualise l’évaluation clinique et doit être intégré dans le plan de SAC du fabricant. L’objectif du SCAC, tel que défini dans l’annexe XIV, partie B, section 6.1 du MDR, est de :
- Confirmer la sécurité et la performance du dispositif, y compris le bénéfice clinique, tout au long de sa durée de vie prévue ;
- Identifier les effets secondaires inconnus et surveiller les effets secondaires et contre-indications identifiés ;
- Identifier et analyser les risques émergents sur la base de preuves factuelles ;
- Assurer la continuité de l’acceptabilité du rapport bénéfice-risque ;
- Identifier une utilisation systématique incorrecte ou hors indication du dispositif, afin de vérifier que l’usage prévu est correct.
Le SCAC doit être mis en œuvre selon un plan et un calendrier prédéterminé répondant à des objectifs clairs, et ce en accord avec le rapport d’évaluation clinique et ses documents de gestion des risques. Le plan précise les méthodes qui seront opérées et justifie leur choix et leur adéquation au besoin. Les différents textes et guides parlent de méthodes générales ou spécifiques qui peuvent être employées, sans forcément les caractériser pleinement. Les approches spécifiques s’appuient sur des études rétrospectives, des registres, des investigations cliniques prospectives relevant de l’article 74 ou 82 du MDR. Pour les approches générales, on peut distinguer le recueil de plaintes et les données de vigilance, la revue de la littérature, les retours généraux utilisateurs, les enquêtes terrains voire des questionnaires utilisateurs (chirurgiens, patients). Concernant les enquêtes, la frontière entre approche générale et approche spécifique peut être floue en fonction du type et de la granularité du questionnaire mise en œuvre. Enfin, le SCAC peut s’appuyer sur des données cliniques de dispositifs équivalents ou similaires, ou encore faire référence, le cas échéant, à des spécifications communes pertinentes ou normes harmonisées.
Les activités du SCAC sont, aujourd’hui, centrales dans la génération de preuves cliniques complémentaires pour le maintien du dispositif sur le marché et les études SCAC y jouent un rôle croissant.
- Etudes SCAC et encadrement règlementaire
Les études cliniques représentent un des leviers « spécifiques » permettant de conduire le SCAC. Aussi, les différents types d’étude SCAC et leur mise en œuvre se basent sur le risque lié au dispositif, son caractère invasif, ou encore les enjeux de SCAC à couvrir.
Depuis le 26 mai 2021, la loi française a pleinement intégré le MDR 2017/745 pour la conduite d’investigation clinique (IC) sur les dispositifs médicaux sur le territoire.
Classification des investigations cliniques (IC) (adaptée de la classification ANSM[1])
Avant leur mise en œuvre, ces IC doivent être examinées par différents acteurs. D’une part, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), définie comme l’autorité compétente française de la vigilance, valide les dossiers et dans certains cas, fournit une autorisation de conduite de l’IC. Le Comité de Protection des Personnes (CPP) est un comité d’éthique qui fournit un avis favorable sur l’ensemble des IC.
Dans le cadre d’une étude SCAC conduite pour établir la conformité du DM, le MDR ne prévoit que celles où le DM marqué CE est utilisé dans sa destination et comportant des procédures additionnelles invasives/lourdes (catégorie 3 des IC selon la classification de l’ANSM). Lorsqu’une IC ne comporte pas de telles procédures additionnelles, il s’agit alors d’autres IC rentrant dans la catégorie 4. Ainsi, par exemple, lorsque l’accès au patient est nécessaire pour une collecte prospective de données spécifiques via des questionnaires (ex, questionnaires de qualité de vie), il s’agira d’une IC mais avec des procédures additionnelles non lourdes et non invasives (généralement un cas 4.1 selon l’ANSM pour une IC avec un DM marqué CE, toute classe, utilisé dans sa destination et promue par le fabricant).
Ces études devront également se conformer au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et à la loi Informatique et Libertés (I&L) pour le traitement des données personnelles liées à la santé. L’application de la méthodologie de référence MR-001 de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) permet la conformité et dispense de la demande d’autorisation de traitement des données auprès de la CNIL.
Lorsque les besoins de données cliniques peuvent s’appuyer uniquement sur la collecte de données individuelles déjà existantes (ex ; dans le dossier médical), l’étude ne rentre pas dans le champ d’application du MDR et sera à considérer comme une recherche n’impliquant pas la personne humaine sous la loi française et donc soumise uniquement au RGPD et à la Loi I&L. Le traitement des données devra soit respecter une méthodologie de référence soit obtenir l’avis favorable du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CESREES) combiné à l’autorisation de la CNIL.
Enfin pour les IC SCAC avec une ou plusieurs procédures additionnelles lourdes/invasives (cas 3), une assurance devra être contracté par le Promoteur. Cela ne sera pas nécessaire dans le cadre d’IC SCAC avec des procédures additionnelles non lourdes/invasives (cas 4.1).
2. Conception d’une étude SCAC : les principes
Pour concevoir une étude SCAC il est primordial de définir les objectifs, la méthodologie, la population d’étude, les méthodes de collecte des données et les méthodes d’analyse de ces données.
- Objectifs et critères de jugements : En tout premier lieu, l’objectif principal devra est formulé le plus clairement possible. Il conditionnera directement la taille de la population de l’étude et devra faire écho aux problématiques identifiées dans le plan SCAC. Cet objectif principal est ensuite traduit en un critère de jugement principal, c’est-à-dire, l’expression mesurable de l’objectif principal (ex : mesure d’un bénéfice clinique via l’évolution par rapport à la valeur basale d’un score d’une échelle validée, ou encore le taux d’occurrence d’un évènement indésirable lié au dispositif à l’étude). Le critère de jugement doit être fiable, sensible, spécifique, répétable et reproductif. Ces propriétés conditionnent le choix de sa méthode de mesure. Des objectifs et critères de jugement secondaires sont également déterminés selon des principes semblables, à ceci près, qu’ils ne conditionnent pas le calcul de la taille d’échantillon de l’étude. Les objectifs et leurs critères de jugement doivent soutenir les revendications de performance, sécurité et bénéfice clinique que les fabricants font sur leurs produits
- Méthodologie : La définition de la méthodologie de l’étude consistera à déterminer s’il s’agit d’une étude rétrospective ou prospective, en simple groupe ou plusieurs groupes (ex : un groupe exposé au DM et un autre groupe sans le DM avec ou non un traitement alternatif), comparative ou non comparative… La durée de l’étude sera dépendante de ce qui doit être évalué et devra être adaptée à la durée de vie du dispositif.
- Population : La population de l’étude sera établie à partir des critères d’inclusion et d’exclusion permettant de sélectionner des patients représentatifs de la destination du dispositif telle que décrite dans sa notice d’utilisation. x
- Méthodes de collecte des données : Les méthodes de collecte des données seront choisies afin de pouvoir capturer et évaluer les critères de jugements, la population d’étude, les données d’exposition au DM à l’étude, ainsi que les données de sécurité et de performance. Il est crucial d’employer des méthodes cohérentes avec les données de la littérature (usage d’échelles/questionnaires validées scientifiquement, suivi d’évènements cliniques pertinents médicalement, mesure d’un paramètre biologique avec une méthode validée…). Cela assure une bonne comparabilité et pertinence des données au regard de l’état de l’art.
- Méthodes d’analyse des données : Les considérations statistiques et méthodes d’analyses des données seront établies pour répondre aux objectifs de l’étude : approche descriptive, comparative (supériorité, équivalence, non infériorité), variables de confusion (éléments pouvant affecter les résultats), définition des populations d’analyse, gestion des données manquantes, et calcul formel de la taille d’échantillon. Pour ce dernier point, des hypothèses seront à formuler, soit basées sur une expérience clinique préalable soit sur des données de la littérature. Typiquement, il incombera au statisticien et aux experts cliniques de déterminer selon la nature du critère de jugement principal choisi, sa variabilité attendue en présence et/ou en l’absence d’exposition du DM à l’étude, la différence que l’on souhaite mettre en évidence, le seuil de significativité (risque de première espèce ou risque alpha) et la puissance (dépendant du risque de deuxième espèce ou risque béta) en cas de réalisation tests statistiques formels. La méthode du calcul de la taille d’échantillon sera le reflet de la méthode d’analyse du critère de jugement principal de l’étude.
Et donc ?
Les études SCAC sont devenues un élément incontournable pour assurer la conformité des dispositifs médicaux avec le règlement européen (UE) 2017/745. Elles permettent non seulement de confirmer la sécurité et la performance des dispositifs tout au long de leur cycle de vie, mais aussi d’identifier et de gérer les risques émergents, garantissant ainsi une balance bénéfice-risque favorable. La mise en œuvre rigoureuse d’une étude SCAC, avec une méthodologie bien définie et adaptée aux spécificités du dispositif, est essentielle pour répondre aux exigences règlementaires et éthiques. En outre, ces études contribuent à l’amélioration continue des dispositifs médicaux, à l’optimisation de leur utilisation clinique et à la consolidation de la confiance des utilisateurs et des autorités de santé. Ainsi, les études SCAC ne sont pas seulement une obligation règlementaire, mais un outil stratégique pour les fabricants qui souhaitent maintenir et renforcer la présence de leurs produits sur le marché européen, tout en assurant la sécurité et l’efficacité pour les patients.
Dans un prochain article, une brève mise en application de la conception d’une étude SCAC sera proposée.
Vous avez besoin de mettre en place une étude SCAC, d’en dessiner les contours et sa mise en œuvre ? Nos experts de notre CRO clinique Soladis Clinical Studies by Efor peuvent vous accompagner :
- Revue de la littérature
- Définition des objectifs, design et méthodologie complète d’investigation clinique de SCAC
- Rédaction ou revue des documents d’études
- Accompagnement global à la mise en œuvre et la conduite d’investigation clinique de SCAC
- Expertise via notre hotline pour les questions spécifiques nécessitant une réponse rapide
Contactez-nous à l’adresse suivante : onedt@efor-group.com
[1] https://ansm.sante.fr/uploads/2022/02/10/20220210-classification-et-process-devaluation-des-investigations-cliniques-dm-selon-le-reglement-2017-745-et-adaptations-nationales.pdf
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