Article technique

L’utilisation de l’intelligence artificielle en omiques pour prédire la survie des patients

20/12/2024

EFOR Actualité Technique Data digit omics

Depuis quelques années, l’intelligence artificielle (IA) est un domaine très médiatisé en raison de son impact transformateur sur notre société. Elle influence divers métiers et s’étend à de nombreux domaines d’application, notamment la bio-informatique. Cet article met en avant l’apport de l’IA dans un contexte spécifique : la prédiction de la survie à partir de données multi-omiques.

Introduction à l’Intelligence Artificielle et au Deep Learning

L’IA repose sur le développement d’algorithmes et de modèle statistiques qui permettent aux ordinateurs d’effectuer des tâches nécessitant des capacités humaines ; telles que la résolution de problèmes, l’apprentissage, la compréhension du langage naturel, la reconnaissance de motifs et la prise de décision. Grâce aux expériences accumulées, les ordinateurs peuvent prédire de nouvelles réponses à des questions d’intérêt. L’IA a révolutionné de nombreux secteurs, allant de la finance à la médecine, en permettant l’analyse et l’interprétation de grandes quantités de données avec une précision et une efficacité sans précédent.

Parmi les différentes approches de l’IA, le deep learning est particulièrement remarquable. Cette méthode d’apprentissage automatique repose sur des réseaux de neurones artificiels conçus pour imiter le traitement de l’information par le cerveau humain. Ces réseaux sont composés de couches de neurones, chacune traitant une partie de l’information avant de transmettre le résultat à la couche suivante. Cette structure permet au réseau d’apprendre et de reconnaître des patterns complexes dans de grandes quantités de données. Par exemple, en reconnaissance d’images, un réseau de neurones peut apprendre à distinguer des images de chiens et de chats après avoir été exposé à des milliers d’exemples étiquetés. Les réseaux de neurones profonds sont caractérisés par des architectures à plusieurs couches (d’où le terme « profond »). La figure 1 représente un réseau avec deux couches cachées.

Figure 1 : Schéma d’un réseau de neurones de type MLP (Multi-Layer Perceptron)

L’IA et les Données Omiques : La Médecine Personnalisée

Dans le contexte des données omiques, qui comprennent des informations génomiques, transcriptomiques, protéomiques, et métabolomiques, le deep learning offre une approche puissante pour découvrir des processus non visibles En analysant les patterns présents dans ces données, les modèles de deep learning peuvent prédire des résultats cliniques, tels que la survie des patients, fournissant ainsi des outils précieux pour la recherche biomédicale et le traitement des maladies.

En santé, la médecine personnalisée s’appuie de plus en plus sur l’IA pour adapter les traitements aux spécificités individuelles des patients et prédire leurs réponses aux thérapies. Grâce à cette approche, les médecins peuvent proposer des parcours de soin adapté personnalisés en fonction des caractéristiques cliniques et moléculaires des patients. Les caractéristiques cliniques incluent des facteurs comme le tabagisme ou les antécédents familiaux, tandis que les caractéristiques moléculaires, appelées omiques, englobent des données issues de diverses technologies.

. Les différentes omiques existantes sont :

  • Génomiques : séquençage de nucléotides (des données de type SNP (Single Nucleotide polymorphism) par exemple)
  • Transcriptomiques : expression des gènes (des données RNA-seq ou de micro-arrays sont des exemples de données)
  • Protéomiques : abondance des protéines
  • Métabolomiques : étude des petites molécules dans le système biologique.

L’approche multi-omiques consiste à ces données, afin d’avoir une meilleure compréhension des systèmes biologiques en fournissant une vision holistique des processus biologiques complexes. Cette approche s’est particulièrement développée et a gagné en popularité dans le domaine des sciences biomédicales et la santé depuis les années 2010. Elle permet donc d’identifier l’interaction moléculaire à différents niveaux biologiques.

Transformation des Données Omiques

L’intégration des différentes données omiques présente plusieurs défis, nécessitant des outils computationnels performants. Des méthodes classiques de machine learning ont été développées, telles que :

  • Analyse de corrélation : consiste à identifier des corrélations entre différents niveaux omiques afin de comprendre l’impact des changements d’un niveau sur un autre.
  • Analyse de pathways : consiste à identifier les grandes fonctions moléculaires pour comprendre les interactions entre les différents composants moléculaires et leurs rôles dans le processus biologique ;
  • Analyse de réseau : consiste à construire des réseaux d’interactions moléculaires pour identifier les mécanismes clés et leur impact sur de nombreuses fonctions biologiques.

L’émergence du deep learning amène de nouvelles perspectives pour des analyses plus efficaces et précises de larges jeux de données multi-omiques. Une des problématiques de l’intégration des données multi-omiques est le nombre important de variables. Par exemple, les données génomiques et protéomiques peuvent totaliser près de 50 000 variables, tandis que les cohortes de patients sont souvent limitées, rendant difficile le recrutement de participants. Cela crée un problème de grande dimension, où le nombre de variables dépasse largement la taille de l’échantillon. L’objectif est donc de réduire la dimensionnalité des données en extrayant les variables les plus pertinentes pour une représentation plus efficace.

Les auto-encoders (AE) sont un type de réseau de neurones en deep learning, spécialement conçu pour l’apprentissage non supervisé. Leur fonctionnement peut être simplifié en trois étapes clés (voir la figure 2) :

  • Encodage : Le réseau réduit les données d’entrée (par exemple, un ensemble de données génomiques) en une représentation plus petite et comprimée, similaire à la compression d’un fichier volumineux.
  • Couche Latente : Cette couche stocke la version comprimée des données, capturant l’essence des données tout en filtrant le bruit et les détails inutiles.
  • Décodage : L’auto-encoder reconstruit les données à partir de leur forme comprimée, cherchant à produire une sortie aussi proche que possible de l’entrée originale. Cela permet au réseau d’apprendre à conserver les informations les plus importantes.

En analyse multi-omique, les auto-encoders distillent des ensembles de données complexes et volumineux en informations plus gérables. Par exemple, ils peuvent réduire des milliers de gènes mesurés dans une étude génomique à un ensemble plus petit de caractéristiques significatives, rendant l’analyse plus efficace et révélant des patterns cachés cruciaux pour comprendre les maladies ou prédire les issues cliniques. En résumé, les auto-encoders aident à transformer de grandes quantités de données omiques en formats plus simples et plus informatifs, facilitant ainsi l’analyse et l’extraction d’informations précieuses.

Figure 2 : Schéma d’un réseau de neurones de type AE (Auto-Encoders)

Application Pratique : Prédiction de la Survie dans le Cancer du Sein

Ces dernières années, des chercheurs ont proposés l’utilisation des auto-encodeurs pour prédire la survie à partir de données multi-omiques. Le principe consiste à apprendre des représentations latentes (cachées) à partir de chaque jeu de données en les traitant dans des couches séparées. Ces représentations latentes deviennent ensuite de nouvelles variables “deep”, qui sont facilement concaténées ou connectées entre elles pour nourrir un nouveau réseau de neurones permettant de faire la prédiction de la survie. Ce principe est illustré la Figure 2.

Pour démontrer l’application concrète de l’IA en omiques, l’exemple de la prédiction de la survie dans le cancer du sein peut être considéré. Le cancer du sein est une maladie complexe avec de multiples sous-types, chacun ayant un pronostic différent. L’utilisation des données multi-omiques, combinée avec l’IA, offre des informations précieuses pour le traitement et la prédiction des résultats cliniques. Des données omiques variées ont été collectées auprès de patients atteints de cancer du sein, incluant des données génomiques, transcriptomiques et protéomiques, représentant un éventail d’informations allant des séquences génétiques aux niveaux d’expression des protéines.

Ces données sont ensuite traitées à l’aide d’un modèle de deep learning, comme un auto-encoder, pour identifier des patterns et des biomarqueurs significatifs liés aux taux de survie. Le modèle est entraîné pour apprendre les relations complexes entre les différents types de données et la survie des patients. L’analyse révèle des biomarqueurs spécifiques qui sont fortement corrélés avec des pronostics favorables ou défavorables. Par exemple, une certaine expression génétique ou un niveau protéomique peut être associé à un risque accru de récidive.

Ces découvertes permettent aux médecins de personnaliser les traitements pour les patients. En identifiant les patients à haut risque, des stratégies de traitement plus agressives peuvent être adoptées, tandis que celles à faible risque peuvent éviter les traitements inutilement lourds. Cette approche ne se limite pas au cancer du sein et peut être étendue à d’autres types de cancer ou de maladies, où la combinaison des données multi-omiques et de l’IA ouvre de nouvelles perspectives pour des diagnostics plus précis et des traitements plus ciblés.

Limitations et Défis de l’IA en Omiques

Bien que l’application de l’IA dans l’analyse des données omiques présente des possibilités révolutionnaires, il est important de reconnaître et de discuter de ses limitations. La première concerne la compréhension des modèles de l’IA. Les réseaux de neurones profonds, par exemple, sont souvent perçus comme des « boîtes noires », car ils peuvent produire des prédictions précises sans que le processus sous-jacent soit clair. Cette opacité peut être problématique, notamment en médecine, où la compréhension des mécanismes est cruciale.

La deuxième préoccupation est la qualité et la quantité des données. Les performances des modèles d’IA dépendent des données fournies. Plus la qualité des données est bonne, meilleures sont les performances du modèle. Dans le contexte des omiques, les données peuvent souvent être incomplètes, biaisées, ou de qualité variable, ce qui peut entraîner des prédictions inexactes ou non généralisables.

La grande dimension des données omiques ainsi que leur intégration représentent d’autres défis importants Bien que l’approche multi-omiques offre une vue complète des systèmes biologiques, elle nécessite des stratégies sophistiquées pour surmonter les différences d’échelles, de types de te qualités des données, ce qui peut constituer un obstacle technique majeur.

Les implications éthiques et réglementaires de l’utilisation de l’IA en omiques ne doivent pas être négligées. Des questions se posent concernant la confidentialité des données et le consentement des patients. Les implications réglementaires doivent être abordées de manière proactive pour garantir une utilisation responsable de l’IA en recherche et en clinique.

Enfin, la dernière limitation est la dépendance à l’expertise technique. La mise en œuvre efficace de l’IA en omiques demande une expertise particulière que tous les chercheurs et les cliniciens ne possèdent pas, ce qui peut limiter l’accès à cette technologie à certains publics.

En reconnaissant et en discutant ouvertement de ces limitations, la communauté scientifique peut mieux orienter les efforts futurs pour améliorer les applications de l’IA en omiques, en mettant l’accent sur la transparence, la qualité des données, et l’éthique.

Conclusion

Cet article a permis de présenter l’apport de l’IA pour prédire la survie à partir de données multi-omiques. L’IA, et plus particulièrement les réseaux de neurones, offre une première réponse prometteuse à l’analyse multi-omiques en permettant une représentation réduite et informative des données. Cependant, pour maximiser l’impact de l’IA dans ce domaine, il est essentiel de surmonter les défis liés à la compréhension des modèles, à la qualité des données, et aux questions éthiques. En poursuivant les recherches et en améliorant les techniques actuelles, l’IA pourrait transformer de manière significative la médecine personnalisée et la recherche biomédicale.

Besoin d’aide ?

Les experts de notre Centre Data sont à votre disposition pour vous accompagner dans les domaines suivants :

  • Intégration et analyse des données multi-omiques  (transformation et réduction de la dimensionnalité des données, application des techniques de machine et deep learning)
  • Développement de modèles de prédiction personnalisés (création de modèle adaptés aux études cliniques, validation et optimisation des modèles)

Support méthodologique et technique (assistance dans le traitement et l’intégration de données omiques variées (génomiques, transcriptomiques, protéomiques, métabolomiques), formation sur les techniques de machine et deep learning et leur application).

  • Accompagnement stratégique (définition des pipelines analytiques, réponses aux questions spécifiques via notre hotline dédiée pour un support rapide et précis).

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