Les PFAS dans les dispositifs médicaux et les produits pharmaceutiques : ce que les fabricants doivent savoir
27/03/2025

Les per- et polyfluoroalkyles (PFAS) constituent un vaste groupe de composés chimiques d’au moins 10 000 substances synthétiques utilisées dans de nombreuses applications depuis les années 1950. Les PFAS présentent des propriétés uniques : une résistance élevée à la dégradation et à la chaleur, des propriétés antiadhésives et imperméabilisantes. Ils sont largement utilisés dans les pesticides, les produits textiles, les cosmétiques, les emballages alimentaires, les revêtements antiadhésifs, mais aussi dans les dispositifs médicaux.
De par leur utilisation massive et leurs propriétés chimiques, les PFAS peuvent être émis et s’accumuler dans l’environnement. Ils présentent également des risques pour la santé humaine.
C’est dans ce contexte que le 27 février 2025, la loi n°2025-188 a été votée en France. Visant à protéger la population des risques liés aux PFAS, celle-ci prévoit notamment d’interdire à compter de janvier 2026 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de tout produit cosmétique, textile d’habillement ou produit de fart contenant des PFAS.
1. Les PFAS, ou « polluants éternels »
Les PFAS sont des polluants organiques persistants (POPs), c’est-à-dire que ce sont des substances persistantes, mobiles, bioaccumulables et toxiques. En raison de la solidité de leur liaison Carbone-Fluor, les PFAS ont une grande résistance à la dégradation métabolique et environnementale et sont donc susceptibles de s’accumuler dans l’environnement durant de longues périodes, ce qui leur a valu l’appellation de « polluants éternels ». Les Hommes peuvent être indirectement exposés aux PFAS par l’alimentation, l’environnement ou par l’utilisation de produits contenant des PFAS. Les risques associés sont multiples : effets délétères sur le système reproducteur, sur le développement du fœtus, désordres neurologiques, altérations du système immunitaire et perturbation endocrinienne, ainsi que des effets cancérogènes.
2. Une règlementation hétérogène à travers le monde
La Convention de Stockholm et son application via le Règlement POP en Europe
La Convention de Stockholm est un traité international visant à interdire ou limiter la production, l’utilisation et la commercialisation des POPs. A ce jour, cette convention a été signée par 152 pays. Au sein de l’Union européenne (UE), cette convention est appliquée à travers le Règlement POP (règlement (UE) n°2019/1021) qui s’applique à tous les Etats membres et prévoit certaines dérogations spécifiques, par exemple pour l’utilisation d’acide perfluorooctanoïque (PFOA), de ses sels et composés apparentés, autorisée pour les dispositifs médicaux invasifs et implantables jusqu’au 4 juillet 2025.
Dans la grande famille des PFAS, le perfluorooctane sulfonate (PFOS) et ses dérivés, largement utilisés dans des applications industrielles, sont inscrits dans la Convention de Stockholm depuis 2009 et leur utilisation est restreinte dans l’UE par le Règlement POP. De la même façon, le PFOA et ses sels et composés apparentés, sont interdits dans l’UE depuis le 4 juillet 2020 conformément au Règlement POP. Plus récemment, en juin 2022, le perfluorohexane sulfonate (PFHxS), ses sels et composés apparentés, ont également été ajoutés à la Convention de Stockholm. En réponse, la Commission européenne a intégré ce groupe de substances au Règlement POP en mai 2023, avec une entrée en vigueur au 28 août 2023. Trente-deux substances, dont certains PFAS, sont aujourd’hui inscrites dans le Règlement POP.
Le Règlement REACH et la classification CLP
En Europe, les restrictions de l’annexe XVII du règlement REACH visent à interdire ou à limiter la production, la commercialisation, l’importation, ou l’utilisation d’une substance chimique, ou d’un ensemble de substances, pour certains ou tous les usages.
Certains PFAS appartiennent à la liste candidate des substances extrêmement préoccupantes (SVHC, Substances of Very High Concern) dans le cadre de la réglementation REACH : la PFOA, l’acide perfluorobutanesulfonique (PFBS) et ses sels, l’acide hexafluoropropylène oxyde-dimère (HFPO-DA ou GenX) et ses sels, et l’acide perfluoroheptanoic (PFHpA) et ses sels, entre autres. Leur utilisation est soumise à notification et autorisation, notamment si le produit ou l’article concerné est commercialisé en quantités supérieures à une tonne par producteur/importateur par an et contient plus de 0.1% (masse/masse) de PFAS classé SVHC.
Enfin, plusieurs PFAS possèdent une classification harmonisée selon la réglementation CLP (Classification, labelling and packaging of substances and mixtures, ou « classification, étiquetage, emballage » en français). Par exemple, le PFOS et le PFOA sont classés en tant que carcinogène catégorie 2 (H351, susceptible de provoquer le cancer) et reprotoxiques catégorie 1B (H360 : peut nuire à la fertilité ou au fœtus, H360D : peut nuire au fœtus).
La règlementation PFAS à l’international
La règlementation liée à l’usage des PFAS varie autour du monde.
Aux Etats-Unis, plusieurs lois ont été adoptées ou proposées par certains Etats notamment l’Etat du Maine qui interdit de nombreux produits, dont les cosmétiques, contenant des PFAS ajoutés intentionnellement. Bien que cette loi n’entre en vigueur qu’en 2030, les entreprises ont dû déclarer leur utilisation des PFAS dès le 1er janvier 2023. L’Etat de Californie a, quant à lui, voté le 30 septembre 2022 une loi interdisant la vente de textiles contenant plus de 50 ppm de PFAS à compter du 1er janvier 2027.
Au niveau fédéral, début 2024, l’Agence de Protection de l’Environnement des États-Unis (EPA) a proposé d’ajouter 9 PFAS et leurs sels et isomères structuraux à la liste des substances dangereuses du 40 CFR Part 261 Appendix VIII. Il s’agit du PFOA, du PFOS, du PFBS, du HFPO-DA ou GenX, de l’acide perfluorononanoïque (PFNA), PFHxS, de l’acide perfluorodécanoïque (PFDA), de l’acide perfluorohexanoïque (PFHxA) et de l’acide perfluorobutanoïque (PFBA). En cas de rejet de ces substances dans l’environnement, les responsables devront déclarer l’incident et procéder au nettoyage conformément à la loi CERCLA (Comprehensive Environmental Response, Compensation & Liability Act). Enfin, en 2024, l’application de seuils pour 6 PFAS dans l’eau potable a été approuvée aux USA avec des valeurs limites allant de 4 à 10 ng/L selon la substance.
Au Japon, la réglementation des PFAS est relativement en avance par rapport à d’autres pays d’Asie. En 2009, le PFOS et ses sels ont été classés comme substances chimiques spécifiées de Classe I en vertu de la Loi sur le contrôle des substances chimiques (CSCL, Chemical Substances Control Law), en réponse à son inscription dans la Convention de Stockholm. Ce classement impose des restrictions strictes sur la fabrication, l’utilisation et l’importation de ces substances. Le PFOS est aussi soumis à des restrictions d’exportation en vertu de la loi japonaise sur le commerce extérieur. Aussi, le Japon a établi en 2020 une valeur cible temporaire de 50 ng/L pour le PFOS et le PFOA dans l’eau potable.
La Chine, la Corée du Sud, l’Inde et Singapour ainsi que d’autres pays asiatiques sont signataires de la Convention de Stockholm mais il n’existe pas encore de norme nationale quant aux PFAS dans ces pays. Ce même constat peut être fait dans d’autres pays utilisant massivement des PFAS dans le secteur industriel, comme le Brésil ou la Russie.
Vers de nouvelles restrictions européennes
En janvier 2023, les autorités nationales de l’Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas, de la Norvège et de la Suède ont soumis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA, European Chemicals Agency) un projet de restriction REACH des PFAS. Contrairement à la loi française de février 2025, ce projet de restriction européenne concerne de nombreuses utilisations, incluant les dispositifs médicaux. Ce projet, qui concerne plus de 10 000 substances, a été rendu public en février 2023 et est en cours d’examen par les comités d’experts de l’ECHA, le Comité d’évaluation des risques (CER) et le Comité d’analyse socio-économique (CASE). Leurs avis seront transmis à la Commission européenne, qui soumettra une proposition de modification de l’annexe XVII de REACH. Cette proposition sera ensuite examinée par les Etats membres et le Parlement Européen avant son adoption.
3. Une future règlementation à fort impact sur les dispositifs médicaux
De nombreux dispositifs médicaux, emballages et adjuvants de fabrication contiennent des PFAS (par exemple, les tubes et cathéters, les mailles chirurgicales pour le traitement des hernies, les inhalateurs). En effet, leurs propriétés physiques (résistance chimique et thermique, propriétés antiadhésives aux fluides corporels et contaminants, réduction du risque de réaction inflammatoires, etc.) en font des matériaux de choix.
Toutefois, du fait des risques pour la santé et l’environnement, le projet de restriction des PFAS, présenté dans la section précédente, propose une interdiction de fabrication, d’utilisation et de mise sur le marché européen des PFAS en tant que substance en elle-même, en tant que constituant dans une autre substance, dans un mélange ou dans un article, en fonction de la concentration :

Par conséquent, la proposition de restriction des PFAS pourrait impacter les dispositifs médicaux actuellement sur le marché européen, notamment par un remplacement progressif des adjuvants, équipements, matières et emballages contenant des PFAS. La recherche d’alternatives aux PFAS peut d’ores et déjà être engagée par les fabricants. Parmi les substituts possibles aux PFAS se trouvent par exemple les polymères biodégradables, les composites à base de céramiques ou de polymères non fluorés, les revêtements métalliques ou les silicones. Ces matériaux n’ont toutefois pas forcément les mêmes performances, durabilité et coûts que ceux à base de PFAS.
4. Les périodes de transition et de dérogation prévues
Le projet européen de restriction des PFAS par REACH prévoit une période de transition de 18 mois après son entrée en vigueur. Il existe deux options de restrictions : une restriction totale après la période de transition (Restriction Option 1, RO1) ou une restriction avec dérogations spécifiques après la période de transition (RO2). La deuxième proposition, soutenue par les dépositaires du projet, inclut des dérogations limitées dans le temps concernant les dispositifs médicaux. Par exemple, une interdiction des PFAS à la suite d’une période de dérogation limitée à 12 ans (après la période de transition de 18 mois) est proposée pour les fluoropolymères et les perfluoropolyéthers utilisés dans les tubes et les cathéters ainsi que les dispositifs médicaux implantables (à l’exclusion des mailles, des produits de traitement des plaies et des tubes et cathéters). De façon générale, les périodes de dérogations proposées sont de 5 ou 12 ans, selon l’existence ou non d’alternatives possibles et des éléments de justification associés.
5. Comment s’y préparer ?
L’interdiction des PFAS peut avoir un impact important sur les industriels utilisant ces composants dans leurs produits.
Pour se préparer aux restrictions d’usage des PFAS, les fabricants de dispositifs médicaux doivent commencer par une cartographie et un audit interne afin d’identifier les PFAS dans leurs produits et procédés. Cette analyse permet d’évaluer les risques réglementaires et opérationnels et de prioriser les actions nécessaires. Il est essentiel d’examiner les produits, les procédés de fabrication et les flux d’approvisionnement pour repérer les étapes critiques où les PFAS sont utilisés. Une évaluation des impacts sur la disponibilité, les performances et la conformité des produits doit également être réalisée.
Parallèlement, l’interdiction des PFAS représente une opportunité d’investir dans l’innovation en collaborant avec des partenaires pour développer des matériaux ou procédés alternatifs. Les projets de recherche et développement doivent explorer des substituts offrant des propriétés similaires aux PFAS, comme la résistance chimique et thermique ou l’antiadhésivité. Ces matériaux doivent être testés pour garantir leur efficacité et leur biocompatibilité. Une collaboration étroite avec les fournisseurs, ainsi qu’avec des instituts de recherche, permet d’accélérer le développement de solutions adaptées.
Enfin, la conformité et la transparence sont essentielles pour garantir une transition fluide. Un suivi constant des évolutions législatives, comme le Règlement POP ou REACH, est nécessaire pour assurer la conformité des produits. Mettre en place un système de gestion de la conformité et participer à des groupes de travail industriels permet de partager les bonnes pratiques et d’anticiper les défis.
En résumé, une approche proactive basée sur l’identification des usages, l’innovation et la conformité permettra de minimiser les impacts de l’interdiction des PFAS tout en positionnant le fabricant comme un acteur responsable et innovant.
Besoin d’aide ?
Une réglementation de plus en plus sévère des PFAS est à anticiper dans les années à venir pour les fabricants de dispositifs médicaux et les industries pharmaceutiques. Les priorités pour s’adapter Chez Efor, nous vous accompagnons dans cette transition grâce à notre expertise en validation des procédés et évaluation biologique et toxicologique :
- Identification des PFAS dans le procédéde fabrication et les matières premières,
- Identification d’alternatives possibles aux PFAS,
- Ré-évaluation de la biocompatibilité et re-validation des procédés suite aux changements implémentés,
- Veille normative.
Les équipes de la direction technique sont à votre disposition pour vos projets, et joignables directement sur TechnicalDivision@efor-group.com.
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