Gestion de la conception et développement d’un DM / DMDIV selon la Norme EN ISO 13485 : 2016 + A11:2021
30/04/2025

Pour les fabricants de dispositifs médicaux (DM) et de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV), la conception et la fabrication de leurs produits représentent un véritable défi. Comment garantir que chaque dispositif réponde aux performances prévues ? Comment s’assurer que chaque dispositif soit adapté à sa destination dans des conditions normales d’utilisation ? Comment garantir que chaque étape du processus de développement est maîtrisée et documentée ?
Afin de répondre à ces questions, les dispositifs doivent satisfaire aux Exigences Générales de Sécurité et de Performance (EGSP ou General Safety and Performance Requirements – GSPR, en anglais), énoncées dans l’Annexe I du Règlement des dispositifs médicaux (RDM) 2017/745 et du Règlement des dispositifs médicaux de diagnostic in-vitro) (RDMDIV) 2017/746. Le chapitre II de ces annexes met l’accent sur les exigences spécifiques liées à la conception et à la fabrication, des étapes où les fabricants peuvent rencontrer des difficultés majeures.
La norme EN ISO 13485 : 2016, notamment lasection 7.3, définit les exigences pour maitriser les différentes étapes de conception d’un DM/DMDIV. Ainsi, le fabricant doit établir et mettre en œuvre une procédure pour la conception et le développement de ses DM/DMDIV. Chaque projet se doit d’être conforme à cette procédure mise en place et décliné en plusieurs phases, chacune faisant l’objet de revue et d’enregistrements.
Ces phases de conception, doivent être documentée à travers d’un dossier de conception (aussi appelé Design History File (DHF)) afin de retracer l’historique de conception et de démontrer la conformité aux exigences de conception et de développement. Chaque document établi durant les différentes phases de conception alimente un chapitre de ce dossier. Il doit être maintenu et mis à jour tout au long des étapes du cycle de vie du produit.
Comment structurer efficacement ces phases de développement pour répondre aux exigences de la norme et des règlements ? Quels outils et bonnes pratiques peuvent aider les fabricants à surmonter ces défis ? Cet article vous guidera à travers les différentes étapes de conception et de développement d’un DM/DMDIV selon la norme EN ISO 13485 : 2016.

1. Pré requis : Faisabilité
Avant d’initier un projet de conception et de développement d’un DM/DMDIV, une équipe pluridisciplinaire, avec à sa tête un chef de projet, est désignée.
Les activités de faisabilité peuvent correspondre à diverses activités et reposent sur plusieurs données d’entrée du projet, telles que l’expression d’un besoin ou une idée de conception, provenant d’une opportunité commerciale et/ou d’un contexte de marché et/ou d’un besoin clinique. Elles permettent le lancement du projet après approbation de la direction.
Cela conduit à la rédaction de la demande de conception qui décrit les principaux objectifs du projet, base sur laquelle peut se dérouler la première phase de conception : la planification.
2. Phase 1 : Planification
La planification joue un rôle clé en permettant à la direction de mieux contrôler le processus de conception. Elle repose sur une communication claire des politiques, des procédures et des objectifs aux membres de l’équipe de conception tout en offrant une base solide pour mesurer la conformité aux objectifs du système qualité.
Les activités de conception doivent être spécifiées avec un niveau de précision suffisant pour assurer la bonne exécution du processus de conception. L’étendue de la planification dépend de plusieurs éléments tels que la taille de l’organisation responsable du développement ou encore la complexité du dispositif à développer.
Durant cette première phase, les potentiels chemins critiques du projet ainsi que les rôles et responsabilités de chaque partie prenante sont identifiés.
L’élaboration du plan de conception et de développement commence par la définition des exigences du produit (lire notre article à ce sujet ici). Ces dernières sont extraites du document de demande de conception, mais aussi de toute étude de faisabilité ou état de l’art réalisés précédemment le cas échéant (lire notre article à ce sujet ici).
Cette étape de planification est un élément central qui doit également inclure la définition claire des objectifs du projet, l’évaluation des ressources nécessaires (humaines et matérielles), ainsi que l’estimation des coûts liés au développement du DM/DMDIV. La répartition des responsabilités organisationnelles doit être explicitement définie, en particulier lorsque les contributions proviennent de sources variées, comme des équipes multidisciplinaires, des sous-traitants ou des consultants externes.
Il est également nécessaire de planifier les différentes étapes et stratégies du développement, les différentes activités liées à chaque phase et les revues de phase en mettant en place un planning.
Le plan de conception et développement doit être considéré comme un document évolutif, maintenu et mis à jour régulièrement lors de l’avancement du projet.
3. Phase 2 : Données d’entrée
Les données d’entrée de conception constituent le point de départ de la conception d’un produit. Elles établissent une base pour effectuer les tâches de conception ultérieures et valider la conception. Par conséquent, l’élaboration d’une base solide d’exigences est l’activité de contrôle de conception la plus importante.

A partir des exigences préalablement définies (marketing, besoin utilisateur…), cette étape a pour but de spécifier les données d’entrée pour la conception du dispositif. Pour ce faire, il s’agit notamment de formuler les exigences suivantes :
- Les exigences normatives et règlementaires, y compris celles applicables dans les pays où le dispositif sera commercialisé (par exemple, conformité aux normes ISO ou aux réglementations locales),
- Les exigences fonctionnelles
- Les exigences de performance
- Les exigences d’aptitude à l’utilisation (qui concernent la facilité d’utilisation et l’ergonomie pour les utilisateurs)
- Les exigences de sécurité (incluant les aspects liés à la gestion des risques pour les patients et les utilisateurs. Lire notre article à ce sujet ici)
- Toutes autres exigences commerciales, de marché, …
Ces exigences doivent être traduites en données d’entrée de conception, en veillant à ce qu’elles soient complètes, non ambiguës, vérifiables ou validables, non contradictoires et représentatives de l’environnement d’utilisation.
Elles doivent donc être revues, approuvées et figées pour les phases suivantes par les membres du projet concernés (i.e. Affaires règlementaires, Affaires cliniques, Recherche & Développement, …).
Indépendamment de l’origine du concept initial du produit, les développeurs jouent un rôle clé dans l’élaboration des données d’entrée de conception. Lorsqu’ils reçoivent un ensemble de caractéristiques importantes, ce sont eux qui identifient les problématiques associées, ainsi que le niveau de détail nécessaire pour concevoir un produit.
4. Phase 3 : Données de sortie
Les activités qui se déroulent dans cette phase permettent de convertir des données d’entrée en données de sortie.
Les éléments de sortie de conception correspondent aux résultats de l’effort de conception (il s’agit généralement de cycles de prototypages et de tests associés afin d’affiner le produit résultant) à chaque étape et à la fin du processus de conception. Au sens large, les données de sortie finales incluent le dispositif lui-même, son emballage et son étiquetage, ainsi que le dossier global de fabrication (DMR, ou Design Master Record en anglais). Dans les faits, ce dernier est généralement finalisé lors de la phase de transfert de conception (phase 6).
Les données de sorties de conception englobent tous les livrables résultant d’une tâche de conception identifiée dans le plan de conception et de développement.
Les résultats de l’effort de conception, basés sur les spécifications d’entrée de conception, sont les « Spécifications de Sortie de Conception ».
Ces dernières incluent les spécifications du produit de R&D ainsi que la documentation descriptive qui définissent et caractérisent la conception. Parmi ces informations figurent notamment :
- Les spécifications des matières premières,
- La nomenclature,
- Les diagrammes de flux de fabrication,
- Les plans.
Ainsi, les données de sortie de conception constituent une base essentielle pour garantir que le dispositif, et ses composants respectent les exigences définies. C’est l’objectif de la vérification.
5. Phase 4 : Vérification
Cette phase permet de vérifier l’adéquation des données de sortie aux données d’entrée. En d’autres termes, elle s’assure que chaque étape du processus de conception produit des résultats conformes aux spécifications cibles établies. Le fabricant doit donc établir et documenter, en conformité avec l’état de l’art, les plans et protocoles de vérification, les méthodes utilisées, les critères d’acceptation ainsi que la justification de la taille d’échantillonnage. Les activités de vérification sont effectuées sur des prototypes représentatifs de la version finale du DM.
Dans le cadre des DMDIV, c’est à cette étape que sont évaluées les performances analytiques conformément aux exigences spécifiées dans les données d’entrée. Actuellement, les méthodologies décrites par le Clinical and Laboratory Standards Institute (CLSI*) sont reconnues comme représentant l’état de l’art dans ce domaine.
En cas d’échec d’une activité de vérification de conception, il peut être nécessaire d’effectuer une boucle de conception en modifiant les données d’entrée de conception et/ou les données de sortie de conception.
* Organisation internationale qui élabore des normes et des lignes directrices pour améliorer la qualité des soins de santé en standardisant les pratiques les laboratoires médicaux et cliniques
6. Phase 5 : Validation
La validation de la conception est une évaluation globale visant à garantir que le dispositif répond aux besoins des utilisateurs et aux utilisations prévues. Contrairement à la vérification, qui se concentre sur des aspects spécifiques de la conception, la validation examine le dispositif dans son ensemble.
C’est lors de cette phase que le fabricant accomplit les activités cliniques (investigations cliniques pour un DM, le cas échéant, et/ou de performance pour les DMDIV). Le fabricant établit et documente ainsi :
- Les plans et protocoles de validation du DM/DMDIV par rapport aux besoins utilisateurs et à l’usage prévu du DM/DMDIV,
- Les méthodes utilisées,
- Les critères d’acceptation,
- La justification de la taille d’échantillonnage utilisée.
La validation doit être réalisée sur des unités de production initiale ou leurs équivalents, et non sur des prototypes fabriqués en laboratoire. Cela permet de s’assurer que les résultats de la validation reflètent fidèlement les performances des dispositifs fabriqués dans des conditions normales de production.
- La matrice de traçabilité
La matrice de traçabilité est un outil couramment utilisé pour documenter le lien entre les données d’entrée, les données de sortie, la vérification et la validation associées. Elle établit un lien entre chaque exigence d’entrée de conception et une sortie correspondante, garantissant ainsi qu’aucune exigence de conception n’a été omise. La matrice est complétée tout au long de la conception, comme le précise les différentes zones sur le modèle de matrice ci-dessous.

7. Phase 6 : Transfert de conception
Le transfert de conception permet d’assurer que tous les éléments essentiels de la conception sont transmis et appliqués à la production/industrialisation pour la fabrication du DM/DMDIV. Cette phase est une étape critique qui garantit que, conformément aux exigences de conception, les spécifications de production permettent de fabriquer des dispositifs de manière répétée et fiable.
Au cours de cette dernière phase, l’équipe de développement :
- Finalise et compile le DHF,
- Complète le dossier global de fabrication du dispositif. Ce dossier contient toutes les informations nécessaires pour produire le dispositif, en se basant sur les « Spécifications de Sortie de Conception » provenant de la R&D, définies dans la Phase 3 (spécifications de matières premières et de libération produit fini, nomenclature, gamme, diagramme de flux, plans, procédures et instructions de fabrication, qualification équipement, AMDEC procédé de fabrication, validation des procédés, …).
8. Les revues de phase
Les revues de phase sont nécessaires dans le processus de développement d’un DM/DMDIV. Ces revues, réalisées aux étapes appropriées, ont pour objectif :
- D’assurer une évaluation systématique des résultats de conception, y compris la conception du dispositif et les processus de production et de support associés,
- D’évaluer l’avancement du projet,
- D’identifier les points bloquants et les actions à mener le cas échéant,
- De s’assurer que les livrables de la phase sont prêts, revus et approuvés et ainsi de confirmer que le projet est prêt à passer à l’étape suivante du développement.
La présence de toutes les personnes concernées par la phase en revue est nécessaire. Les participants à une revue de conception doivent être choisis en fonction de leurs qualifications et leur expertise. Il est d’usage qu’au moins un participant ait la casquette d’examinateur indépendant de l’étape de conception, afin d’apporter une perspective objective.
Toute revue de phase est clôturée par un enregistrement comportant les participants, la liste des livrables de la phase avec version et date, les points discutés, les actions à mener.
9. Les modifications de conception
Dans le cas où le produit existant doit être modifié (par exemple, fonction, performance, spécification, etc.), le processus de gestion des modifications doit être appliqué.
Les principaux objectifs sont de garantir que :
- Les actions correctives sont suivies jusqu’à leur achèvement,
- Les modifications sont mises en œuvre de telle façon que le problème initial soit résolu et qu’aucun nouveau problème ne soit créé ; ou si de nouveaux problèmes sont créés, ils sont également suivis jusqu’à leur résolution,
- L’impact de la modification sur la documentation associée est pris en compte et la documentation de conception est mise à jour pour refléter avec précision la conception révisée. Il s’agit alors de dérouler les étapes du conception impactées. Dans ce cas, le document de demande de conception cité dans la phase Planification est remplacé par le document de demande de modification de conception.
La norme EN ISO 13485 :2016 impose une approche systématique et documentée pour le contrôle des modifications, afin d’assurer que toute modification est correctement évaluée, mise en œuvre, et intégrée dans le dossier de conception et de développement (DHF), tout en préservant la traçabilité et la qualité du produit.
Conclusion
La maîtrise de la conception et du développement d’un DM ou DMDIV selon la norme EN ISO 13485 : 2016 constitue une étape essentielle pour garantir la sécurité, la performance et la conformité réglementaire du produit. Ce processus structuré, basé sur des phases clairement définies et des revues systématiques, permet d’assurer une traçabilité complète et une gestion efficace des exigences tout au long du cycle de vie du dispositif. En intégrant des outils tels que la matrice de traçabilité et en appliquant un contrôle rigoureux des modifications, les fabricants peuvent répondre aux besoins des utilisateurs tout en respectant les exigences des règlements RDM 2017/745 et RDMDIV 2017/746. Ainsi, la norme EN ISO 13485 : 2016 offre un cadre robuste pour développer des dispositifs fiables, adaptés à leur usage prévu et conformes aux standards internationaux.
Besoin d’aide ?
Nos équipes en R&D peuvent vous accompagner dans la mise en conformité du dossier de conception conformément à la norme EN ISO 13485 : 2016 ainsi qu’au Chapitre II de l’annexe I du RDM et RDMDIV en vous apportant un soutien réglementaire et méthodologique :
- Réalisation d’un état des lieux de la documentation existante,
- Formation à la conception et au développement suivant la norme EN ISO 13485 : 2016 (sur 1 ou 2 jours en fonction du besoin), en virtuel ou en présentiel,
- Rédaction des livrables et de la documentation conformément aux exigences réglementaires et normatives,
- Accompagnement opérationnel par un ou plusieurs consultant(s) suivi(s) par un Responsable Technique de la Direction Technique Efor, y compris pour de la conception a posteriori dans le cas d’un dispositif hérité (legacy device en anglais),
- Rédaction d’états de l’art lors de la phase de développement pour déterminer les usages prévus, indications et revendications produit,
- Les équipes de la Direction Technique se tiennent à votre disposition pour vos projets, et sont joignables directement sur TechnicalDivision@efor-group.com.
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