L’oxyde d’éthylène : un agent stérilisant largement utilisé mais controversé
30/01/2025

La stérilisation à l’oxyde d’éthylène (OE) fait partie des méthodes les plus largement utilisées pour stériliser les dispositifs médicaux dans le monde. Aux Etats-Unis, moins de 5-10 % des dispositifs médicaux sont stérilisés avec un autre mode de stérilisation que l’OE ou les rayonnements (source FDA). L’oxyde d’éthylène (OE) est principalement utilisé pour stériliser des dispositifs médicaux sensibles à la chaleur, aux rayonnements et à l’humidité. Il est particulièrement adapté aux matériaux comme les plastiques, les polymères et les dispositifs combinant plusieurs matériaux. Parmi les dispositifs couramment stérilisés à l’OE figurent les cathéters, les implants médicaux (stents, prothèses), les dispositifs électro-médicaux (pacemakers, pompes à insuline) et les produits à usage unique (gants, masques). Dans le secteur pharmaceutique, l’oxyde d’éthylène peut être utilisé pour stériliser en surface les contenants et/ou les systèmes d’emballage de composants pharmaceutique actifs ou encore des formulations en poudre.
Bien que largement utilisé en raison de son efficacité reconnue, l’OE soulève des préoccupations importantes, notamment en ce qui concerne les risques liés à son utilisation au cours du processus de stérilisation et à la présence de résidus pouvant se retrouver à la surface des dispositifs médicaux.
Un effet nocif
Bien que largement employé, l’OE reste un gaz Cancérogène, Mutagène et Reprotoxique (CMR), incolore et explosif. Malgré le dégazage et le traitement de l’OE de la chambre post-stérilisation effectué par le stérilisateur, une partie de l’OE utilisé lors de la stérilisation des produits de santé va rester sur ces derniers. Une partie de cet OE résiduel se transforme en chlorohydrine d’éthylène (ECH) et en éthylène glycol (EG), laissant sur les produits ces trois types de résidus. L’ECH est le résidu qui peut se former lorsque l’OE entre en contact avec des ions chlorure libres, et l’EG est le résidu qui peut se former lorsque l’OE entre en contact avec l’eau. La chimie reste donc un point d’attention, et les conditions environnementales peuvent largement influencer les quantités résiduelles retrouvées.
Le 9 avril 2024, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA, ou Environmental Protection Agency) a annoncé un ensemble de règles définitives visant à réduire de manière significative les émissions de polluants atmosphériques toxiques provenant des usines chimiques, notamment les polluants puissants comme l’OE. Ces règles ont pour objectif de réduire considérablement le nombre de personnes exposées à des risques accrus de cancer liés à ce polluant dans les communautés situées à proximité des usines l’utilisant. De nombreuses unités de stérilisation utilisant l’OE ont effectué plusieurs améliorations techniques dans leurs infrastructures afin de se conformer à la nouvelle réglementation. En complément des méthodes de réduction des émissions, certains fabricants adoptent également des cycles d’OE avec des concentrations plus faibles pour contribuer à la diminution des émissions. Dans ce contexte et afin de ne pas observer de potentiels perturbations de la chaîne d’approvisionnement ou de pénuries de dispositifs médicaux stériles, la FDA a également publié en Novembre 2024 une guidance facilitant la compréhension des données attendus pour changer de site de stérilisation pour les dispositifs médicaux de Class III.
L’OE est classé comme un CMR par la réglementation REACH / CLP et son utilisation est strictement contrôlée dans plusieurs cadres réglementaires de l’Union européenne notamment les réglementations européennes sur la sécurité alimentaire (Règlement (CE) n° 396/2005), la directive européenne sur la santé et la sécurité au travail (Directive 2004/37/CE), ainsi que le Règlement relatif aux dispositifs médicaux (2017/745).
En 2021, la Commission européenne a proposé de nouvelles restrictions sur l’OE dans le cadre de REACH, en mettant l’accent sur son utilisation dans les applications industrielles et les processus de stérilisation. En 2023, l’Union européenne a lancé des consultations pour évaluer des alternatives plus sûres à l’OE pour la stérilisation, reflétant une volonté croissante de réduire son utilisation en raison des préoccupations sanitaires et environnementales.
Ces mesures s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à éliminer progressivement les produits chimiques dangereux et à promouvoir des alternatives plus sûres.
L’aération des produits stérilisés à l’OE
La présence résiduelle d’OE, de ECH et d’EG nécessite que les produits finis soient aérés. Ce processus d’aération permet de diminuer leurs concentrations. En effet, ces trois types de substances, en fonction de leurs concentrations, peuvent être dangereuses, et il est donc impératif pour le fabricant de s’assurer que leurs concentrations sont bien inférieures aux limites admissibles avant la libération des produits. La limite admissible est établie dans la norme ISO 10993-7. Cette limite dépend de plusieurs facteurs, notamment la population en contact avec le dispositif, le type de contact du dispositif avec le patient et le nombre de dispositifs en contact.
Pour atteindre la limite admissible, les produits vont être aérés ; l’aération, comme définie dans la norme ISO 11135, est la partie du procédé de stérilisation durant laquelle la désorption de l’OE et/ou des produits de sa réaction du dispositif médical s’effectue jusqu’à l’obtention de niveaux prédéterminés.
Durant cette phase d’aération, les produits sont placés dans une chambre d’aération avec des paramètres contrôlés. Le taux des résidus d’OE dans les dispositifs médicaux est fonction de la température d’aération, de la masse volumique et de la configuration de la charge (par exemple, cheminée au centre des palettes, film rétractable, etc.), du débit d’air, du type de chargement, de l’importance des surfaces des produits ventilés et des temps d’aération.
Validation et contrôle de l’aération
La phase d’aération peut être validée, ce qui évitera au fabricant de réaliser des dosages systématiques pour libérer ses lots stérilisés. Dans ce cas, ce qui sera attendu pour le fabricant est d’évaluer la répétabilité de la période d’aération dans le cadre de la validation, mais aussi de se placer dans les conditions worst-case vis-à-vis des charges de routine.
Concernant la répétabilité, les données d’a minima trois cycles complets d’exposition doivent être exploitées. En fonction des charges de routine destinées à être aérées, le nombre de cycles à réaliser dans le cadre de la validation peut être plus conséquent, notamment si un encadrement par la densité est réalisé à travers l’utilisation de charges de densité maximale et minimale ou si le nombre de palettes/cartons est variable. En effet, il est difficile d’appréhender si l’aération d’une charge de densité minimale sera plus rapide qu’une charge de densité maximale. La charge de densité minimale représente en effet une contrainte moins importante quant à la diffusion de l’OE.
Afin d’obtenir les courbes de dissipation des résidus d’OE, une cinétique de trois temps successifs doit être acquise pour chaque cycle. Cela implique de prélever des échantillons au cours de l’aération et d’effectuer les dosages des résidus. Les méthodes de dosage devront être validées et démontrer qu’elles présentent une exactitude, une précision, une sélectivité, une linéarité, une robustesse et une sensibilité suffisantes.
Il convient que l’intervalle de temps entre le retrait des échantillons d’une zone d’aération contrôlée et le début de l’extraction par le laboratoire soit réduit au minimum. Lorsque l’analyse est différée, les échantillons doivent être scellés, envoyés et stockés congelés afin de figer la dissipation des résidus.
La définition des échantillons qui seront prélevés et testés doit tenir compte de plusieurs paramètres. Il sera nécessaire de déterminer les produits les plus défavorables à cette phase d’aération pour mener les essais, mais aussi de tenir compte du fait que l’endroit le plus approprié pour placer les échantillons de produit doit être défini.
Définition des worst-case et durée d’aération
Une étude comparative sélectionnant plusieurs produits qualifiés comme worst-case peut être réalisée afin de sélectionner le produit le plus difficile à dissiper les résidus. Dans cette phase de définition des worst-case, la configuration, la surface d’échange, l’emballage, et les matériaux sont autant de critères qui permettront de définir le produit le plus difficile à dissiper les résidus. Concernant les matériaux, certains matériaux vont plus ou moins adsorber/absorber l’OE et le désorber plus ou moins rapidement. Le PVC par exemple a tendance à absorber rapidement l’OE mais aussi à le désorber rapidement.
Finalement, une vigilance particulière doit aussi être portée quant aux produits entrants et sortants dans la chambre d’aération lors de la phase d’aération. Une charge/palette sortant de stérilisation positionnée proche d’une charge/palette en fin de désorption peut contaminer cette dernière. Des concentrations d’OE dans la zone d’aération peuvent retarder les dégazages, en particulier dès que de faibles limites admissibles (LA) sont requises pour certaines sous-populations (pédiatrique, nouveaux né). Le taux d’occupation de la chambre d’aération et les flux entrants / sortants (dans le cas d’une chambre d’aération non dédiée) sont autant de paramètres à appréhender.
Le temps pour lequel les dosages sont tous conformes aux limites préétablies permettra de définir la durée d’aération validée qui sera utilisée en routine pour libérer les produits. Cette durée variera considérablement de quelques heures à plusieurs jours en fonction des charges, de la capacité d’aération de la chambre, du cycle utilisé pour stériliser les produits. Bien entendu, plus cette aération sera longue, plus le coût du traitement de routine sera élevé.
Futures orientations
L’OE reste une méthode incontournable pour la stérilisation des dispositifs médicaux, en particulier pour les produits sensibles. Cependant, son utilisation nécessite une maîtrise rigoureuse des processus et une conformité stricte aux normes en vigueur.
La norme ISO 10993-7 est en cours de révision et le projet propose les principales modifications suivantes :
- Le fabricant doit définir les limites admissibles et les conditions d’extraction, en fonction de la population de patients et de la durée d’utilisation ; cette démarche visera à s’aligner avec la nouvelle norme ISO 10993-17.
- Permettre l’utilisation d’une appréciation du risque pour établir les limites admissibles ;
- Fournir des recommandations supplémentaires concernant la mise sur le marché des produits ;
- Fournir des recommandations supplémentaires concernant la détermination des résidus et les facteurs.
Bien que les points de départ (POD, ou point of departure) pour déterminer les LA ne soient pas réévalués dans ce projet de norme, il est attendu que les LA soient plus restrictives qu’auparavant et que les fabricants puissent être amenés à relancer des études pour valider de nouvelle durée d’aération.
La simple modification du poids patient adulte qui passera de 70 kg à 60 kg entraînera une baisse de la LA pour les fabricants qui considéraient le poids de 70 kg.
Conclusion
L’OE reste une méthode indispensable pour la stérilisation des dispositifs médicaux, en particulier pour les produits sensibles à la chaleur ou à l’humidité. Cependant, les risques sanitaires et environnementaux associés à son utilisation nécessitent une gestion rigoureuse des processus et une stricte conformité aux normes, telles que l’ISO 10993-7, actuellement en cours de révision. Ces évolutions réglementaires visent à renforcer la sécurité des patients et à réduire les résidus d’OE, tout en imposant aux fabricants de valider des durées d’aération plus précises et d’adopter des approches basées sur l’évaluation des risques.
Face aux préoccupations croissantes, des initiatives internationales, comme celles de l’EPA et de l’Union européenne, cherchent à limiter les émissions d’OE et à explorer des alternatives plus sûres. L’avenir de cette méthode repose sur une meilleure maîtrise des procédés, une adaptation aux exigences plus strictes et la parfaite maîtrise des rejets environnementaux. Ces efforts permettront de préserver l’efficacité de la stérilisation tout en protégeant la santé publique et l’environnement, conciliant ainsi les impératifs médicaux et écologiques.
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