Article technique

Conception d’une étude SCAC : La question de la taille de l’échantillon à travers un exemple fictif

5/06/2025

Les études de suivi clinique après-commercialisation (SCAC) sont des outils stratégiques pour les fabricants de dispositifs médicaux afin de se conformer aux exigences réglementaires du RDM (UE) 2017/745, de garantir la sécurité des patients et d’évaluer la performance des dispositifs. Dans un article précédent, les experts d’Efor ont présenté un aperçu du cadre réglementaire et des principaux éléments à considérer pour concevoir des études SCAC (voir l’article ici). Le présent article propose une application de ces considérations, avec un exemple pratique et fictif, en mettant l’accent sur la détermination de la taille de l’échantillon.

1. Exemple fictif : contexte

Considérons un fabricant fictif de dispositifs implantables destinés à traiter l’incontinence urinaire chez les femmes. Cette condition médicale, caractérisée par des pertes involontaires d’urine, a un impact significatif sur la qualité de vie. Son étiologie est multifactorielle, impliquant des facteurs anatomiques, neurologiques, hormonaux et comportementaux. L’incontinence urinaire peut être classée en plusieurs types : l’incontinence urinaire d’effort (IUE), l’incontinence par impériosité et l’incontinence mixte.

L’incontinence urinaire d’effort, due à une faiblesse du plancher pelvien ou du sphincter urétral, survient souvent lors d’effort ou de pressions abdominales (activités physiques ou toux par exemple). L’incontinence par impériosité résulte de l’hyperactivité de la vessie et provoque un besoin impérieux d’uriner. L’incontinence mixte combine des caractéristiques des deux types.

Lorsque les traitements conservateurs s’avèrent inefficaces, des options chirurgicales peuvent être envisagées, telles que la colposuspension rétropubienne, les bandelettes sous-urétrales, qui sont des procédures peu invasives, les injections d’agents de comblement autour de l’urètre pour améliorer le mécanisme de fermeture, et la neuromodulation sacrée, utilisée dans les cas de vessie hyperactive réfractaire.

Les taux de succès des traitements chirurgicaux varient selon le type de procédures et la population de patients. Dans l’Union européenne, la pose de bandelettes sous-urétrales représente l’approche chirurgicale privilégiée, mais elle est soumise à une surveillance réglementaire stricte en raison des exigences et des protocoles en constante évolution.

Dans cet exemple, le fabricant commercialise des bandelettes sous-urétrales dans l’Union européenne pour le traitement de l’IUE chez les femmes. Dans son plan SCAC, le fabricant a identifié la nécessité de mettre en place une étude clinique SCAC afin de mieux documenter les taux de réinterventions et d’évaluer la qualité de vie des patientes. Bien que les données sur les performances, comme les taux de guérison, soient relativement bien documentées, les données sur les taux de réinterventions manquent souvent de profondeur en raison des périodes de suivi limitées ou des taux d’occurrence irréguliers.

2. Définir l’objectif principal encadre le calcul de la taille de l’échantillon

Définir l’objectif principal est crucial pour déterminer la taille de l’échantillon pour toute étude SCAC. Dans l’exemple fictif défini ci-dessus, l’objectif principal pourrait être d’évaluer le taux de réinterventions chirurgicales chez les femmes ayant une IUE pure ou prédominante, dans un cadre post-opératoire spécifié.

Des données de la littérature (Imamura et al., 2019[1]) rapportent des taux de réinterventions allant de 2,2 % à 3,6 % à 1 an et de 1,5 % à 9,4 % à 5 ans, en fonction de la voie de pose rétropubienne ou transobturatrice des bandelettes sous-urétrales. Avec des données internes limitées au-delà d’un an, une durée de suivi d’au moins 5 ans est envisagée. En fonction de la conclusion attendue (c’est-à-dire ce qui sera affirmé sur la base des résultats), le calcul de la taille d’échantillon variera, comme illustré dans les scénarios suivants :

  • Cas 1 : Une approche descriptive et non comparative viserait à estimer la proportion des patientes ayant eu au moins une réintervention à 5 ans. Selon la littérature, une proportion d’environ 5 % pourrait être attendue. Cependant, la précision de l’estimation est clé : estimer une proportion de 5 % ± 1 % ou une de 5 % ± 5 % n’a pas les mêmes implications. Estimer une proportion de 5 % ± 1 % offre une plus grande confiance dans le fait que le taux observé se situe dans la plage prévue (1,5 %–9,4 %), tandis qu’une proportion de 5 % ± 5 % traduit une confiance moindre, avec une probabilité plus élevée que le taux réel soit plus proche de 10 %. L’incertitude autour de la proportion estimée est appelée intervalle de confiance (IC, généralement à 95 %), et son amplitude dépend directement du nombre de sujets dans la population étudiée. Plus le nombre de sujets est élevé, plus l’incertitude autour de l’estimation diminue. Avec un échantillon de 179 sujets suivis pendant 5 ans, il serait possible d’estimer une proportion de 5 % avec un intervalle de confiance à 95 % (méthode de Clopper-Pearson) allant de 2,3 % à 9,3 %, correspondant à la limite supérieure des données de la littérature.
Figure 1. Relation entre la taille de la population d’étude (N, axe y) et la précision (intervalle de confiance bilateral à 95%) d’une proportion estimée (axe x).
  • Cas 2 : Une approche comparative viserait à déterminer si la proportion estimée de réinterventions dans la population étudiée est significativement inférieure à 9,4 %. En prévoyant une proportion de 5 %, un échantillon de 295 sujets permettrait de détecter une différence significative de -4,4 % par rapport à une référence de 9,4 %, selon un test exact bilatéral avec un risque alpha de 0,05 et une puissance de 80 %.

Selon que l’objectif sera d’estimer une proportion avec une précision souhaitée ou de tester formellement une différence statistiquement significative par rapport à une référence, le nombre de sujets requis sera différent, tout comme la formulation des conclusions de l’étude. Dans le premier cas, l’étude fournira une incertitude autour de la proportion observée et discutera les résultats en regard des données de la littérature. Dans le second cas, l’étude pourra conclure que le taux est significativement inférieur à une référence issue de la littérature, offrant ainsi une conclusion plus robuste.

Les méthodologies décrites ci-dessus n’abordent pas les problématiques liées aux sujets perdus de vue, fréquentes dans les études longitudinales. Une approche basée sur le temps, comme une analyse de survie de Kaplan-Meier ou des modèles de risques proportionnels de Cox, pourrait être envisagée. La gestion des données manquantes via des techniques d’imputation et la différenciation des voies de pose des bandelettes (avec des cohortes distinctes) pourraient également enrichir les résultats.

Une fois les analyses de l’objectif principal et les calculs de taille d’échantillon finalisés, les méthodes de collecte de données doivent être rigoureusement détaillées. Cela inclut :

  • Les données de sécurité : taux de complications ou d’effets indésirables tels que l’érosion des bandelettes.
  • Les données de performance : taux de guérison subjectifs et objectifs.
  • Les données de qualité de vie : recueillies via le questionnaire « Incontinence Quality of Life ».

Les données seraient collectées selon un calendrier de visites pré- et post-opératoires sur une période allant jusqu’à 5 ans, en utilisant un système électronique de capture de données (eCRF) pour garantir la documentation sécurisée et faciliter un contrôle centralisé.

3. Conclusion

La conception d’une étude clinique SCAC (comme toute étude clinique) nécessite des compétences techniques, médicales, cliniques, méthodologiques et réglementaires. Elle doit s’inscrire dans un SCAC anticipé et structuré, tenant compte de l’état de l’art et des données cliniques disponibles. Une préparation approfondie est essentielle : définition claire des objectifs, calculs de taille d’échantillon et méthodes de collecte de données, avec un recours aux expertises appropriées.

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  • Analyse de la littérature
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[1] Imamura M, Hudson J, Wallace SA, MacLennan G, Shimonovich M, Omar MI et al. Surgical interventions for women with stress urinary incontinence: systematic review and network meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ 2019; 365